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"C’est une obsession en France, de dire que l’école nivelle par le bas"

François Dubet - Réforme du collège
© DR
En ces jours de rentrée, il semblait important de faire un point sur l'école. Beaucoup de livres sont parus, dont "10 propositions pour changer d'école" de François Dubet (sociologue et directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS)) et Marie Duru-Bellat. Rencontre.

LEA : On a souvent entendu ces derniers mois que l'école nivelait par le bas. Qu'en pensez-vous ?

François Dubet : Depuis la création de l’école publique, les travaux d’historiens en témoignent, c’est une obsession en France, de dire que l’école nivelle par le bas.

À chaque fois que la priorité est de s’occuper des élèves moyens et faibles, car il ne faut pas les laisser sur le côté, automatiquement on pense que cela va niveler par le bas. Le discours était le même quand on a ouvert l’entrée en 6e ou quand on est passé de 35 à 80 % de bacheliers. Certaines personnes pensent que la fonction de l’école est de sélectionner les meilleurs et de les pousser le plus vite et le plus loin possible. C’est un débat de fond.

Je ne vois pas en quoi cette réforme nivelle par le bas. Les scandinaves qui traitent tous leurs élèves ensemble sans les distinguer n’ont pas nivelé par le bas. Les Japonais, les Coréens, les Canadiens non plus. Et ils ont de meilleurs résultats que nous.

Cette idée que la valeur d’un système se mesure à la qualité des 10% des meilleurs élèves est une idée folle et dangereuse. Folle car on n’est même pas certain que ces élèves aient besoin de l’école. Ils pourraient avoir des profs particuliers et des ordinateurs performants. Si c’est ça la fonction de l’école alors il faut arrêter l’école obligatoire. Le problème que je me pose, comme beaucoup de personnes, est de savoir comment faire pour que tous les élèves sachent à peu près lire quand ils arrivent en 6e. Comment faire pour que tous les élèves sachent compter, écrire, raisonner, avoir une vision du monde à peu près rationnelle à la fin de la 3e.

Mon problème n’est pas de sélectionner l’élite des mathématiciens. Ce n’est pas à ce niveau que cela se fait. Tout système scolaire produit des élites, et tant mieux, mais notre maladie nationale est de penser que la production des élites doit commander l’organisation du système. Ça c’est une folie.

LEA : Vous préconisiez une formation commune à l’élémentaire et au collège. Que pensez-vous de la création d’un cycle 4 ? Est-ce que cela permettra de réduire les lacunes des élèves de 6?

F.D : Il faut rapprocher le collège de l’école élémentaire. Le collège et l’école primaire doivent être une école commune. C’est plutôt une bonne chose de le raccrocher à l’école primaire, ne serait-ce que pour faire en sorte qu’un grand nombre d’élève n’explose pas en vol en 6e.

Il ne faut pas oublier que l’objectif, l’ambition d’une école publique obligatoire est d’accueillir tous les élèves ! Or, depuis maintenant 40 ans, nous insinuons que d’une certaine manière certains é...

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