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Entretien

« Il faut susciter des émotions positives et donner sens aux mathématiques »

« Il faut susciter des émotions positives et donner sens aux mathématiques »
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Olivier Houdé, Professeur de Psychologie à l’Université Paris Descartes et Directeur du LaPsyDÉ (CNRS) à la Sorbonne nous éclaire, à travers son regard de neuroscientifique, sur quelques questions fondamentales : pourquoi les élèves sont-ils en difficulté face aux mathématiques, voire en situation d’échec ? Quels sont les apports des neurosciences dans l’apprentissage des mathématiques ?

- Comment expliquer l’échec des élèves en maths et la difficulté pour les enseignants à les enseigner ?

Olivier Houdé : Un jour, j’ai demandé à Cédric Villani, il y a longtemps, bien avant qu’il ne devienne député, mais alors qu’il était déjà Médaillé Fields, d’où lui venait cette capacité exceptionnelle pour les maths dans l’enfance. Il m’a confié qu’au départ de sa scolarité il n’aimait pas les maths et ne réussissait pas très bien. Mais un jour en classe, à l’adolescence, face à un problème d’algèbre au tableau, il a eu le simple et providentiel déclic de se dire : « En fait, cela ne doit pas être difficile ! », sans du tout connaitre encore la solution. C’est ce qu’on appelle en psychologie un « déclic métacognitif » avant même que d’être cognitif. Cette décision a priori et contre-intuitive de facilité lui a ouvert la voie aux mathématiques. De façon générale, l’échec des élèves est plus souvent une question d’émotion que de mathématiques elles-mêmes. Comme c’est une matière réputée difficile de générations en générations, tant au niveau des parents que des professeurs, les élèves n’abordent jamais les mathématiques de façon neutre. Il y a un a priori : les maths c’est difficile ! D’ailleurs, si vous demandez à des enfants de Grande Section de maternelle ou d’élémentaire « À quoi sert le cerveau ? », souvent ils vous répondent à faire ce qui est difficile, du calcul par exemple ! En outre, les professeurs des écoles, pour 80 % d’entre eux, sont issus de filières littéraires et ont eux-mêmes peu d’affinités pour les maths, voire éprouvent de l’anxiété à leur égard. Dès lors, l’enveloppe émotionnelle qui normalement doit guider positivement l’intelligence, comme le démontre le neurologue Antonio Damasio, est ici orientée négativement dès le départ. Enfin, il y a un stéréotype de genre infondé, mais culturellement transmis, selon lequel les filles seraient moins bonnes en maths et en sciences que les garçons. Ce stéréotype est très tôt intériorisé dans le cerveau des petites filles, si bien que si on leur présente un problème de géométrie en leur disant que c’est du dessin, elles réussissent beaucoup mieux que si on leur dit que c’est un problème de maths. Cette différence du mode présentation, géométrie versus dessin, ne s’observe pas chez les garçons.

- Est-ce que ce sont les méthodes employées qui créent ces difficultés ?

O. H. : Sans doute que la question des méthodes est très importante. Imaginons que les élèves aient levé les freins émotionnels et sociaux que j’ai évoqués, il faut encore que les maths aient un sens pour eux dans des situations très concrètes, liées à leurs actions et à leurs buts. Ainsi en est-il des nombres, de...

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