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Entretien

Faciliter le passage école-collège

Philippe Meirieu
Philippe Meirieu
Interrogé sur les enjeux du cycle 3 regroupant CM et 6ème et sur les difficultés qui peuvent accompagner sa mise en œuvre, Philippe Meirieu, professeur émérite en Sciences de l’Education et délégué à la formation tout au long de sa vie, répond aux questions de la rédaction.

Lea : Comment percevez-vous les enjeux du cycle 3, à cheval sur le premier et le second degré ?

Philippe Meirieu : La rupture entre l’école primaire et le collège est, en France, problématique. Elle l’est aussi bien du point de vue de la politique éducative, du point de vue pédagogique et psychologique que du point de vue institutionnel… Rappelons d’abord que, même si l’école primaire et le collège relèvent ensemble de "l’instruction obligatoire", concrétisée aujourd’hui par le "socle commun", ils renvoient à des représentations très différentes de l’enseignement. On prête à Jules Ferry cette formule : "On devient instituteur parce qu’on aime les enfants et professeur de mathématiques parce qu’on aime les mathématiques...". Il n’est pas sûr que cette phrase ait jamais été prononcée, mais elle a été pensée suffisamment fort pour modéliser les choses de manière particulièrement durable. L’enseignement primaire est organisé autour de la prise en charge globale de l’élève dans l’ensemble des disciplines et activités qui contribuent à son développement intellectuel. Le collège est, d’emblée, segmenté entre des disciplines, des professeurs, des règles du jeu, voire des univers différents entre lesquels l’élève ne fait pas toujours le lien. Le collège est bien plus un « petit lycée » qu’un prolongement de l’école primaire ; il met les élèves à l’épreuve pour voir s’ils peuvent entrer au lycée… quand il devrait plutôt se préoccuper de parfaire leur formation générale et citoyenne, de former leur intelligence et leur volonté.

Lea : Comment pallier cette difficulté ?

Ph. M. : Entendons-nous bien : il y a une vraie légitimité à faire émerger la diversité des spécificités épistémologiques des disciplines dans l’enseignement secondaire. Mais, aujourd’hui, on ne les fait pas émerger, elles s’imposent brutalement. C’est pourquoi seuls les élèves qui, à l’issue du primaire, ont acquis une représentation des différentes disciplines et savent créer par eux-mêmes l’unité des enseignements qu’ils reçoivent se sentent à l’aise et réussissent au collège. Pour les autres, c’est un véritable parcours du combattant : ils ne peuvent même pas se représenter mentalement l’ensemble de leurs professeurs et cadres éducatifs – qu’ils ne voient, d’ailleurs, jamais ensemble - comme constituant une unité qui a un projet cohérent à leur égard. Et, concrètement, ils errent dans un espace-temps aux repères brouillés. Ajoutons à cela que l’entrée en sixième correspond souvent à un déracinement géographique et, presque toujours, à l’entrée dans l’adolescence, et vous aurez une idée des enjeux considérables de la mise en place de ce cycle 3, à cheval sur le premier et le second degré.

Lea ...

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