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Analyse

La maternelle en tensions : quelles valeurs pour quelle école ?

La maternelle en tensions : quelles valeurs pour quelle école ?
© Frédéric Desmesure/Signatures
Faut-il toucher à l’école maternelle, étape décisive de la scolarisation des enfants ? La société change, l’école doit changer. Politiques scolaires, missions, mais aussi choix didactiques et pratiques pédagogiques dominantes, recrutement et formation, tout doit évoluer pour s’adapter aux exigences de nouveaux contextes culturels, sociaux, économiques, politiques, ethniques.

Lors de sa création, la maternelle avait été conçue et portée par ses fondatrices féministes, Marie Pape-Carpantier et Pauline Kergomard, dans le projet de faire de cette école, centrée sur l’enfant et les pédagogies nouvelles, un laboratoire qui influencerait ensuite l’ensemble du système éducatif. Dans les faits, sous l’effet de la forme scolaire et de sa sanctuarisation portée par des discours nostalgiques et réactionnaires, c’est bien plutôt l’école maternelle qui s’est rigidifiée sur des pratiques normalisantes dommageables à l’épanouissement des enfants comme à notre vivre ensemble. Si l’école maternelle est un analyseur des choix politiques de ces dernières années, il faut aussi questionner les infléchissements curriculaires qui en affectent le sens et en limitent la portée émancipatrice.

Une évolution curriculaire : vers une “primarisation” de la maternelle ?
Pour saisir ce qui est à l’oeuvre aujourd’hui à l’école maternelle, il faut mesurer en quoi ses fondements sont questionnés par les choix collectifs et les pratiques dominantes contemporains. Avec la scolarisation massive et la prégnance contemporaine accrue des enjeux scolaires sur les parcours sociaux, on assiste à une mise en système de la maternelle avec l’école primaire qui signe un infléchissement : celui de l’idéal de développement de la personne vers une consommation utilitariste d’école tournée vers le diplôme et la performance. Cette mutation repose sur la généralisation de la “forme scolaire” caractérisée notamment par des apprentissages décontextualisés visant des savoirs objectivés, codifiés, systématisés et explicités, par le privilège accordé à une culture écrite, et plus largement à un rapport scriptural/scolaire au langage et au monde. Peu à peu s’efface la spécificité de la maternelle et la scolarisation de l’école maternelle participe sans doute d’une emprise croissante des trajectoires scolaires dans l’accès à l’emploi et la carrière professionnelle : la France s’est orientée vers une primarisation de sa maternelle. Les programmes se sont infléchis dans le sens d’une acquisition plus normée de “compétences”, d’un recours systématique à l’évaluation, d’un primat accordé à la maîtrise de la langue, à la distance réflexive. Par exemple dans l’item au programme “Découverte du monde”, il est indiqué que l’élève doit apprendre “à anticiper des situations, prévoir des conséquences, à observer les effets de ses actes, à construire des relations entre les phénomènes, à identifier des caractéristiques susceptibles d’être catégorisées”. Les normes d’excellence scolaire, de concurrence et de performance se diffusent et les deux moments clés de l’organisation pédagogique de la maternelle que sont les ateliers et les regroupements sont de plus en plu...

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