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Entretien

Philippe Meirieu : "Multiplier les voies possibles pour donner accès aux savoirs"

Philippe Meirieu : "Multiplier les voies possibles pour donner accès aux savoirs"
Comment est né le concept de pédagogie différenciée ? Quels en sont les grands principes aujourd’hui ? Sont-ils compatibles avec le modèle contemporain de la classe ? C’est à ces questions que le pédagogue et professeur des universités en sciences de l'éducation, Philippe Meirieu a accepté de répondre.

Pouvez-vous nous retracer en quelques mots les origines de la pédagogie différenciée ?

Philippe Meirieu : L’expression est relativement récente, elle date des années 1970 et a été construite par Louis Legrand, à partir de l’expression "psychologie différentielle". Mais, la réalité elle est bien antérieure à l’expression. Même s’il est difficile de spéculer sur le passé, on peut imaginer que, historiquement, elle est plus ancienne que la pédagogie du "collectif frontal". L’apparition de la classe, telle que nous la connaissons, est, en effet, assez récente, et encore plus si on la conçoit comme une classe homogène où tous les élèves censés être de même niveau reçoivent le même enseignement et font la même chose en même temps sous le regard du maître. C’est la fameuse querelle des modèles qui intervient dans les années 1830 avec le ministre Guizot. Il existe, alors, trois modèles d’enseignement. Le premier est le modèle individuel, dans lequel le tuteur ou le précepteur pour les familles fortunées, le maître d’école, pour les autres, effectue et vérifie individuellement avec chaque enfant ses apprentissages, en le faisant venir à son bureau auprès de lui. Ce modèle s’épuisera vite, du fait de la perte de temps considérable qu’il comporte. Au début du XIXe siècle apparaissent deux autres modèles : le modèle simultané et le modèle mutuel. Le premier est hérité de l’école chrétienne et de Jean-Baptiste de La Salle. Il prône une répartition en trois niveaux relativement homogènes, au sein desquels tous les élèves sont supposés mener la même activité au même moment. L’autre modèle, mutuel, est largement importé de l’Angleterre et soutenu par le milieu intellectuel progressiste et par les protestants. Les classes y sont beaucoup plus grandes et accueillent autour de 100 élèves. Elles fonctionnent selon un système de monitorat, où les enfants les plus âgés – les moniteurs – enseignent aux plus jeunes, le maître faisant fonction de chef d’orchestre. Les élèves moniteurs sont formés par le maître qui leur délègue son autorité. Ces deux modèles vont coexister jusqu’aux années 1830, soutenus chacun par des forces différentes. Le ministre Guizot choisit, puis impose, le modèle simultané. Ce choix essentiell...

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