Éduquer par le corps, pour le corps
Une éducation corporelle spécifique, telle qu’elle doit être idéalement réalisée à l’école maternelle, ne saurait se réduire aux seules activités sportives, trop liées à la notion de performance. C’est une approche plus fondamentale qui permet à l’enfant de mieux s’adapter à son environnement, alors que son mode de vie actuel offre rarement les conditions, naturelles, de son développement. Bien qu’il soit nécessaire de distinguer pour les besoins de l’analyse les différents axes de cette éducation, il convient d’insister sur leur complémentarité et leur simultanéité : les pouvoirs d’action, de perception, d’expression et de repérage dans l’espace et dans le temps se renforcent mutuellement au cours du développement de l’enfant.
Du moteur au cognitif
L’éducation motrice, qui permet une meilleure maîtrise de la locomotion et de la manipulation d’objets, repose sur la construction d’un vocabulaire moteur de base, sur des acquisitions gestuelles et des montages d’automatismes libérant l’enfant de certaines contraintes d’exécution et renforçant sa capacité d’adaptation à l’environnement. En milieu aménagé, l’enfant sera invité à réaliser des déplacements simples (ramper, marcher) ou plus difficiles (franchir des obstacles, sauter en hauteur ou en contrebas), en associant ou en dissociant les actions. Il enchaîne ainsi des phrases d’actions motrices que l’enseignant variera en fonction des réponses des enfants. De nombreuses actions interviennent aussi dans la manipulation d’objets, porteurs d’apprentissages moteurs mais aussi cognitifs (on lance, on attrape, on jongle, mais on nomme une couleur, une grandeur, un volume). La motricité fine est également concernée, là où interviennent des gestes tels que découper, enfiler, tracer, etc. L’éducation motrice ainsi envisagée fait nécessairement intervenir l’articulation corps/langage : l’enseignant conduit l’enfant à parler de l’expérience vécue, le faisant passer du percept au concept. Les capacités perceptives sont des compétences que l’école aide à développer et dont l’enfant prend peu à peu conscience : l’approche sensorielle, bien travaillée en maternelle la plupart du temps, s’accompagne du développement du sens kinesthésique. Dans l’approche sensorielle, l’enseignant est un médiateur, agissant sur la richesse des stimulations proposées et sur la construction de la signification de ce qui a été ressenti. Il propose des situations offrant à l’enfant la possibilité d’explorer les qualités tactiles des objets, leurs formes, leurs caractéristiques visuelles, leur mode d’être sonore ou relatif au goût. L’enseignant se gardera toutefois de parcours sensoriels trop riches, accordant du temps à la verbalisation pour permettre à l’enfant de construire les opérations mentales de base...