Quels objectifs retenir pour une langue seconde à l’école ?
Existe-t-il un “âge idéal” ?
Peut-on déterminer – mais les psycholinguistes n’abordent la question qu’avec beaucoup de prudence – s’il existe un âge idéal, autrement dit si l’on peut se référer à une “frontière” plus ou moins stable à partir de laquelle l’apprentissage d’une seconde langue deviendrait clairement plus difficile ? Beaucoup des travaux classiques sur la question se référaient – pas toujours avec beaucoup d’arguments empiriques – à l’adolescence. Des données plus récentes font référence à un âge plus précoce. Johnson et Newport2 ont montré ainsi que les performances d’apprentissage seraient optimales jusqu’à 7 ans environ. Ils montrent surtout un phénomène intéressant : les différences individuelles dans les performances d’apprentissage sont faibles jusqu’à 7 ans, et deviennent plus importantes ensuite. L’interprétation proposée est que les adultes mettent en oeuvre des stratégies d’apprentissage qui peuvent dépendre des expériences linguistiques et cognitives antérieures de chaque individu, ce qui ne serait pas (ou peu) le cas chez les jeunes enfants. L’idée est toujours d’une certaine “virginité“ linguistique du jeune enfant… Parler de “frontière“ à ce sujet constitue pourtant un abus de langage, dans la mesure où cette virginité supposée n’est toujours que très relative. Cette constatation vaut tout particulièrement pour certaines dispositions qui ont été étudiées par les chercheurs travaillant autour de Jacques Mehler2 à propos de la langue orale. L’oreille du nouveau-né est très rapidement (en quelques semaines !) “habituée” aux caractéristiques spécifiques de la langue de son entourage, et cette “habituation” a pour conséquence que les sons des autres langues qui n’entrent pas dans la structure phonologique de la langue maternelle deviennent progressivement plus difficiles à entendre pour l’enfant.
Si donc les enfants ont des dispositions particulières à traiter les matériaux linguistiques auxquels ils sont confrontés, ces dispositions semblent s’affaiblir très vite : les avantages de l’enfance valent surtout pour les très jeunes enfants. Autrement dit, abaisser l’âge de l’enseignement d’une langue seconde ne conduit nullement à faire d’un tel enseignement une situation de bilinguisme. En situation scolaire, outre que l’âge du début d’apprentissage reste relativement tardif, les périodes d’exposition à la langue seconde ne sont jamais très longues (si l’on excepte le recours aux pédagogies d’immersion), et les situations d’apprentissage gardent toujours un caractère artificiel.
Quelles priorités ?
Cela ne signifie pas cependant qu’on ne puisse pas profiter d’un apprentissage “précoce” pour asseoir des acquisitions en se fondant prioritairement sur les capacités...