Philippe Coubetergues : "Faire parler les dessins"
Qu’est-ce que le dessin ? Est-ce qu’un gribouillis en maternelle est un dessin ?
Philippe Coubetergues : Il est très compliqué de définir ce qu’est un dessin. Est-ce le papier qui fait le dessin ? Est-ce l’outil graphique ? Y a-t-il besoin d’un papier pour faire un dessin ? Pour moi, si l’on parle du dessin à l’école en tant que pratique récurrente des élèves qui utilisent des moyens graphiques – crayons, feutres, etc. – pour organiser une trace sur un support, sitôt que la trace est déposée, il y a dessin. On peut même dire que cette trace est fondatrice et fondamentale. Avant même de faire l’expérience de l’écriture, c’est sans doute la première trace graphique que l’enfant qui devient élève dépose sur un support papier. Il va faire une expérience extraordinaire. Il va découvrir que cette trace qui symboliquement le représente, reste. Il part, il revient, elle est toujours là, elle le représentait quand il était absent. Ce premier dessin, ce gribouillis auquel vous faites allusion est donc lourd de sens. C’est une trace qui représente l’enfant, ici et maintenant. Ensuite, elle le représente dans le temps. C’est le dessin qu’il a fait hier, quand il avait 5 ans. Symboliquement, le dessin a pour l’enfant une signification très puissante dès le départ.
Cela signifie que l’adulte doit accepter l’idée que ce qui n’a pas de sens pour lui en a pour l’enfant ?
Ph. C. : C’est certain. Mais il ne faut pas faire semblant de voir des choses que l’on ne reconnaît pas. Il faut accepter le statut symbolique que l’enfant donne à la chose. Si l’on se focalise plus sur l’enseignant, il doit accompagner l’élève dans ce phénomène de fabrication de dessin, dans ce travail qui consiste à donner du sens à des traces graphiques. Il l’accompagne en lui donnant les moyens de cette trace, en la conservant, en la datant. Il est important de pouvoir observer l’évolution.
Au regard de ce que le dessin représente pour l’enfant, quelle place doit-il avoir à l’école ?
Ph. C. : Il est très important pour l’enseignant, avant toute chose, d’assurer une variation des situations. Varier les supports est très déclencheur. Donnons parfois un beau fusain noir avec une belle feuille à ces enfants, dont je pense qu’ils savent dessiner. Sortons des feutres souvent épuisés et des feuilles qui sont trop souvent de récupération. Changeons les formats, grands, petits, ronds, carrés. Varions le medium, un vrai crayon à papier très noir - 4B - ou au contraire très clair - 4H -, feutre fin ou gros, une couleur ou plusieurs... Proposons un papier noir avec une craie...