Viviane Bouysse : "Mettre l’enfant ensemble sur une trajectoire"
En quoi la relation parents-école est-elle fondamentale dans la construction de l’enfant ?
Viviane Bouysse : C’est une affaire de sécurité presque affective, intérieure. Plus l’enfant est petit, plus il a besoin de sentir que ses parents ont confiance dans le lieu et les personnes auxquels ils le confient. Si on veut créer de la confiance et de la sécurité chez l’enfant, il faut en créer chez le parent. Cette idée de rendre familier l’univers d’accueil, de vie et d’apprentissage dans lequel l’enfant va se trouver est particulièrement importante pour les plus jeunes enfants et les familles qui ont peu de familiarité avec l’école. Il faut créer ce pont. C’est donc d’abord pour moi la question de la sécurité. Ensuite, c’est le fait de pouvoir avoir une projection partagée, commune pour l’enfant. Penser son projet d’apprentissage dans le long terme, savoir vers où on va avec les repères que l’on doit prendre et les connaissances à acquérir. Pour certains parents, il s’agit de démystifier l’école et de leur donner à comprendre ce qui va se faire parce qu’ils n’ont peut-être pas connu eux-mêmes d’école maternelle. Pour d’autres parents, c’est construire un projet sereinement, sans céder à la précocité. Certains parents sont anxieux de ce que leurs enfants ne savent pas encore telle chose. Globalement, c’est l’idée que parents et école s’entendent pour mettre l’enfant ensemble sur une trajectoire et le faire grandir, et que des signes de cette entente sont rendus perceptibles pour l’enfant.
Le dernier congrès de l’AGEEM1 avait pour thème la relation parents-enfants-école, certains projets d’école sont bâtis autour de cette problématique, des IEN travaillent actuellement sur un plan. Y a-t-il une plus grande prise en compte de cette problématique ?
V. B. : Je fais partie de ces inspecteurs qui ont connu le début de la période d’entrée des parents dans l’école, marquée notamment par la création des conseils d’école tels qu’on les connaît aujourd’hui, avec des représentants de parents d’élèves. Je me souviens très bien de la réception sur le terrain. Cela a été vécu presque comme une intrusion, une usurpation. Ce sentiment a perduré un certain temps. Je disais alors aux enseignants qu’en définitive, les juges les plus sévères n’étaient pas les inspecteurs, mais les parents et ils en étaient d’accord. Le travail des associations de parents, qui ont d’une certaine manière professionnalisé leurs représentants, a contribué à apaiser les craintes des enseignants. Le travail des ministres a aussi œuvré pour donner plus de place aux parents. Je pense notamment au travail de Ségolène Royal à la fin des années 1990, à qui certains reprochaient qu’elle s’occupe quasiment...