Comment le lièvre eut la lèvre fendue et autres contes tibétains
Interprète et secrétaire de la mission menée au Tibet par le colonel Younghusband (dec. 1903 – sept.1904) dans un contexte de tensions coloniales (entre Russie, Chine et Inde britannique), William Frederick Travers O’Connor (1870-1943), bon connaisseur de la langue tibétaine, participa notamment à l’écriture d’un rapport, The Opening of Tibet [L’ouverture du Tibet] où il décrit le système social tibétain. Son empathie pour une population encore mystérieuse se traduisit également par un volume de contes qu’il recueillit auprès de la population, et que la maison Picquier vient d’éditer en français.
Si les contes où les animaux se montrent dans leur lutte pour survivre sont majoritaires, hommes et femmes sont également représentés, quoique dans une moindre mesure. L’habitude de nommer les animaux en établissant une forme de hiérarchie familiale (oncle tigre, oncle loup, mais frère lièvre, sœur biche, frère crapaud) participe du dépaysement. Tous rivalisent de sottise ou de ruse selon les cas, les plus forts et les plus dangereux (tigre ou loup) mais aussi les plus « bêtes » parvenant rarement à leur fin. Quant aux humains, ils peuvent être princes, simples paysans, sots, difformes, ou même voleurs, ils ne sont pas jugés pour ce qu’ils sont et trouvent toujours une place au sein de la communauté. Comme dans tous les autres contes, animaux et humains se croisent souvent, les premiers aidant les seconds à survivre, mais également, le cas étant plus rare, les hommes peuvent aussi secourir des animaux, ainsi dans le conte du garçon et du griffon, à charge de réciprocité.
Le grand rire qui termine le premier conte annonce de grands plaisirs de lecture ; cela peut être prolongé par une présentation du pays et, pour les plus grands, des enjeux géopolitiques de son existence.