"Le numérique peut-il sauver l’école ?"
Alain Bentolila estime qu’il s’agit là d’une question un peu provocatrice qui soulève deux autres questions : De quoi souffre l’école ? Et qu’est-ce que veut dire exactement "sauver l’école" ? Il rappelle qu'en effet, l'école souffre d'injustice et nous refusons que la destinée scolaire des enfants soit scellée dès la maternelle et le cours préparatoire. La pénurie de vocabulaire très tôt dans le parcours de certains enfants entraine en effet de grandes difficultés pour apprendre à lire et à écrire. Et nous savons que dès l’entrée au collège les enfants les plus fragiles seront "sacrifiés". "Nous refusons que le parcours de ces enfants "mal nés" soit celui-ci.", martèle Alain Bentolila.
Dans ce contexte, la question est donc de savoir ce que le numérique "peut y faire" ? Comme le souligne Alain Bentolila, "le numérique ne peut pas rendre seul "l’injuste", "juste"." Il peut seulement contribuer à mettre plus de sens, plus d’équité, plus de justice dans l’école, mais sous certaines conditions :
1- Il ne doit pas effacer la relation humaine. Dans sa classe, l’enseignant fait le pari fou que chaque enfant en ressortira plus intelligent. C’est une utopie concrète et le numérique ne doit pas troubler cela. Le "toi et moi" reste important et ne doit pas être remis en cause. La mission du maître dans sa classe est de recueillir des interprétations, les trier, vérifier qu’elles tiennent la route.
2- Le numérique ne doit pas affaiblir la création pédagogique, la créativité du maître. Il doit simplement lui permettre d’aller plus loin.
3- Le numérique ne doit pas mettre en péril la mémoire. Il ne doit pas dispenser du travail de mémorisation. L’écran doit finir par s’effacer. Il ne doit pas faire "écran" à la relation d’intelligence à intelligence.
En tant que linguiste, M. Bentolila rappelle que "l’apprentissage de la lecture ne s’invente pas. La compréhension du texte est un long chemin, une élévation…". L’enfant doit avant tout "avoir conscience de ce qu’il fait, sinon la pédagogie est impossible. Tout ce qui a trait à la compréhension est de la découverte."
Pour conclure, Alain Bentolila affirme que "le numérique prend tout son sens lorsqu'il laisse la place à la réflexion collective. Il faut une alternance entre la relation à l’écran et la relation individuelle."
Serge Tisseron débute son intervention en rappelant qu’il existe deux cultures : les livres et l’écran, mais que l’une n’est pas appelée à effacer l’autre. Et que jusqu’à aujourd’hui aucune étude n'a montré que le numérique permettait de réduire les inégalités. Cependant il peut avoir des effets "formidables" dans certains établissements lorsqu'il est introduit comme un outil proposant une nouvelle façon de trav...