Jardins
La sobriété du titre de cette exposition occulte sans doute à dessein les richesses qu’elle offre au visiteur charmé. Semblable à celle que nous faisons lorsque nous visitons un jardin vivant, la douce déambulation à travers les Galeries invite à la méditation et apporte ce que souhaitent les responsables de l’exposition : une forme de sérénité heureuse, celle que produisent les œuvres et les échos des œuvres entre elles, comme lorsqu’au jardin de Baudelaire les parfums, les couleurs et les sons se répondent. La diversité des objets présentés contribue aussi à cette paix : la seule peinture aurait peut-être lassé, les seuls extraits filmés et photos de même ou les planches d’herbier et les planches botaniques. Les passages des uns aux autres comblent le regard, concentrent l’attention et amènent à penser. Il n’est pas jusqu’à cet espace dans la partie « Bosquets », avec une aquarelle de Paxton et Harding (le Crystal Palace et son domaine), dont l’enchantement ne soit redoublé lorsqu’on perçoit le délicat parfum que le mur discrètement diffuse, dû au « nez » de Quentin Bisch. Et non loin de là, Vito Corleone, dans un ultime geste de vie, montre ses plants de tomates à son petit-fils. Ce n’est qu’en rassemblant tous ces échos que se révèlent l’esprit du jardin et son exception artistique : il n’est pas muséifiable, comme ne saurait l’être le vivant ; mais à travers ses multiples approches, l’exposition dévoile l’essence du jardin, cette somme d’efforts et de significations à la gloire de la rencontre entre l’homme et l’univers naturel. Comme exemple étonnant de ces efforts, du côté de la plante, on accordera une attention particulière à un petit film de 1929, où l’on voit, en noir et blanc, comment un végétal lutte pour lancer ses vrilles et les installer sur les liens qui vont le soutenir. Du côté de l’homme, l’effort se lit dans la belle œuvre d’Émile Claus, Le Vieux Jardinier (1885), dans les bottes de la paysagiste Gertrud Jekyll peintes par W. Nicholson, ou dans le patient recueil des terres de Loire de Kôichi Kurita.
Photos (August Sander ou Edouard Boubat), herbiers (le touchant herbier de Jean-Jacques Rousseau datant de 1768), aquarelles (la fameuse ancolie de Dürer), papiers découpés (Ph.-O. Runge), xylothèques (celle de Carl Schildbach rassemble cinq-cent-trente volumes et vise l’exhaustivité de l’arbre), arrosoirs et outils, peintures, extraits de films, plans de jardins et même bijoux d’inspiration florale, tout cela compose un univers d’une grande richesse, métaphore muséale et multiple du jardin. L’enfant sait voir l’herbe qui pousse entre deux pavés, il conserve avec ardeur les feuilles tombées de l’arbre, il aime la graine qui se développe et lui fait don de sa plantule : l’exposition lui apportera le complément d’une...