Les nouveaux programmes de français au cycle 2 : analyse
Dans les principes énoncés avant le contenu de ces différentes composantes, on retrouve comme dans les programmes précédents l’importance des acquis de l’école maternelle, la priorité donnée à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture qui est l’enjeu du cycle 2, le nécessaire enrichissement du vocabulaire et la volonté de développer la curiosité et le goût pour les livres.
Quelques points notés ci-dessous ont attiré mon attention.
La notion de cycle
Les programmes de Français parus au BO en 2020 (reprenant les programmes de 2018) concernaient le cycle 2 sans répartition des contenus entre le CP, le CE1, le CE2, laissant ainsi la possibilité à chaque conseil de cycle d’adopter une progression correspondant aux besoins des élèves. Des repères annuels de progression avaient été donnés à titre indicatif sur Éduscol mais n’avaient pas été publiés au BO.
Les programmes de 2024 sont articulés autour d’objectifs annuels par niveau de classe, ils ne font référence au cycle 2 que dans le titre, les principes et la partie introductive de chaque champ de l’enseignement du français. La notion même de cycle n’est plus présente, on ne retrouve aucune prise en compte ou possibilité de prise en compte, au sein du cycle, des rythmes d’apprentissage des élèves pourtant si différents, notamment, en raison de la différence d’âge, jusqu’à un an pour certains, à l’entrée au CP.
Un enseignement explicite
La première phrase du préambule indique la manière dont doit être conduit l’enseignement : il doit être explicite.
« Tout comme l’ensemble des domaines du cycle 2, l’enseignement du français participe à établir les savoirs fondamentaux des élèves dans le cadre d’un enseignement explicite, structuré et progressif. »
Ce terme d’enseignement explicite revient dans chacune des composantes de l’enseignement du français. Il renvoie à une conception de l’enseignement centrée sur le rôle actif du/de la professeur.e selon plusieurs phases : ouverture de la séance (le/la professeur.e présente la notion à maitriser), modelage (il/elle fait la démonstration de l’objet d’apprentissage), pratique guidée (le/la professeur.e et les élèves font ensemble), pratique autonome (les élèves font seuls), clôture (le/la professeur.e synthétise). Il s’agit d’un enseignement structuré qui laisse peu de place à la découverte par les élèves, à la construction de leurs savoirs, il n’est plus centré sur l’élève qui apprend mais sur le/la professeur.e qui enseigne.
Cet enseignement explicite se retrouve dans les actions du/de la professeur.e indiquées dans les points de vigilance avant chacune des composantes de l’enseignement du français : « il enseigne les CGP, fait écrire systématiquement…, mesure la vitesse de lecture, lit à voix haute, guide la compréhension, fait lire 5 à 10 œuvres, développe une culture en littérature, exerce une vigilance, enseigne des stratégies de copie, pratique différentes formes de dictée, élabore avec les élèves des outils d’aide à l’écriture, leur apprend à…, indique systématiquement, est attentif à…, corrige ce qui n’est pas automatisé, adopte un niveau de langue modélisant, énonce les objectifs, fait mémoriser…, enseigne des corpus, produit lui-même des modèles devant les élèves »
Un rythme imposé pour les apprentissages
Un tableau de fréquence des temps d’apprentissage au sein des dix heures hebdomadaires dévolues à l’enseignement du français indique les activités à conduire tous les jours, toutes les semaines, dans l’année et le temps à consacrer (trois heures) à l’enseignement explicite de la langue.
Aux trois niveaux de classe, en lecture et écriture, les objectifs d’apprentissage sont même indiqués par période (C’était déjà le cas dans les repères de progression des programmes de 2018). Par exemple : au cours préparatoire en fin de période 1, l’élève doit « décoder et encoder 12 à 15 correspondances grapho-phonémiques (CGP) régulières, en milieu d’année, de 25 à 30 CGP et entre 15 et 30 mots minute, en fin d’année 30 mots minute ».
Il est laissé ainsi peu de place à l’initiative des professeurs.es pour construire une programmation adaptée aux besoins des élèves.
Un enseignement traditionnel de la lecture, de l’écriture et du vocabulaire
L’entrée graphémique pour l’apprentissage de la lecture (Automatiser le décodage des correspondances grapho-phonémiques, les CGP), l’écriture de pseudos mots au CP, l’apprentissage de l’écriture cursive dont les majuscules, les exercices réguliers de dictée et de copie, les séances spécifiques de lecture à voix haute, la structuration systématique et régulière du vocabulaire à travers des séquences dédiées, l’enseignement par le/la professeure.e de corpus de mots témoignent d’une conception traditionnelle de l’enseignement du français.
Enseignement traditionnel également au niveau de l’écriture des majuscules en cursive qui ne sont plus utilisées qu’à l’école élémentaire.
Le sens donné aux apprentissages
Dans les contenus du programme, les différentes composantes du français sont structurées séparément et le lien entre elles n’apparait pas nettement. Le paragraphe « Croisement entre les enseignements a disparu. Pourtant, dans le préambule, il est affirmé que « : la lecture, l’écriture, l’oral, le vocabulaire, la grammaire et l’orthographe sont autant de champs de la discipline structurés séparément, mais qui constituent en réalité un ensemble au sein duquel chaque élément résonne avec les autres. ».
Pour chaque objectif d’apprentissage, des exemples de réussite sont indiqués mais aucune situation ou activité n’est ici évoquée comme cela l’était dans les programmes précédents. Des liens entre les composantes du français étaient proposés au niveau de projets comme par exemple les projets d’écriture.
Le savoir qui est au centre de ces programmes, n’est plus un savoir construit par l’élève mais un savoir enseigné explicitement par le/la professeur.e. Les termes employés en témoignent : on retrouve une quinzaine de fois les termes enseignement/enseigner et trois fois démarche pédagogique.
Analyse approfondie des contenus
Cette analyse reprend une à une les cinq composantes de ce programme : lecture, écriture, oral, vocabulaire, grammaire et orthographe (contre quatre composantes dans le programme précédent : langage oral, lecture et compréhension de l’écrit, étude de la langue). Chacune de ces quatre composantes comporte trois à quatre compétences déclinées en objectifs d’apprentissage. L’analyse à télécharger en pièce jointe revient sur chacune d’elles :
Lecture :
- Identifier les mots de manière de plus en plus aisée
- Lire à voix haute
- Comprendre un texte
- Devenir lecteur
Écriture :
- Apprendre à écrire en écriture cursive
- Encoder puis écrire sous dictée
- Copier et acquérir des stratégies de copie
- Produire des écrits
Oral :
- Écouter pour comprendre
- Dire pour être compris
- Participer à des échanges
Vocabulaire :
- Enrichir son vocabulaire dans toutes les disciplines
- Établir des relations entre les mots
- Réemployer le vocabulaire étudié
- Mémoriser l’orthographe lexicale
Grammaire et Orthographe :
- Se repérer dans la phrase simple
- Découvrir, comprendre et mettre en œuvre l’orthographe grammaticale
* h [1]ttps://www.education.gouv.fr/sites/default/files/ensel135_annexe3.pdf [1]