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"Organisons un grand débat sur le rôle de l’enseignant", François Dubet

François Dubet
© DR
Le sociologue, spécialiste de l’éducation, constate que la pénurie des enseignants n’est pas spécifique à la France. Il plaide pour que l’école ait des ambitions limitées et fermes et que les principes éducatifs qu’elle défend soient mieux définis. Entretien.

Le problème de recrutement des professeurs est-il purement français ?

François Dubet : Non, les problèmes de recrutement de professeurs s’observent dans tous les pays européens, même ceux qui ont les plus hautes rémunérations comme la Suède. Un rapport du Sénat publié en juin dernier indiquait qu’il faudrait recruter 77 000 professeurs en Suède d’ici à 2023. Il manquait en Allemagne 15 000 enseignants à la rentrée 2019 et ce nombre pourrait atteindre 26 000, rien qu’en primaire, d’ici à 2025. Aux États-Unis, le quotidien The Washington Post assure que le pays "n’a jamais connu une situation aussi grave". Selon une étude de l’OCDE, seuls 30% des enseignants de la zone euro se sentent considérés à leur juste valeur par la société. Ce chiffre tombe à 5% en France.

Pourquoi un chiffre aussi bas ?

FD : En France, nous avons un imaginaire très fort autour de l’école, des professeurs, les hussards noirs qui ont fondé la République… Ce qui me semble une des caractéristiques du problème dans notre pays est que l’on attend tout de l’école et peut-être trop de l’école. Il y a une sorte de réflexe particulier chez les responsables politiques français consistant à dire que l’école doit s’emparer des questions de société. Je ne connais pas de question sociale qui ne soit pas travaillée à l’école… La conscience écologique, le sexisme.

Évidemment, l’école doit assumer l’égalité des chances et conduire chacun vers l’emploi. Cela fait beaucoup et les enseignants sont soumis à des injonctions croissantes et contradictoires. Certes, ce sont des thématiques importantes à enseigner aux élèves, mais on a abandonné l’objectif d’avoir une école avec des ambitions limitées et fermes.

Que faut-il faire, selon vous ? Changer de paradigme ?

FD : Je ne vous cache pas que c’est une question très compliquée. Je pense qu’il faudrait, tout d’abord, réaffirmer quelques principes. Qu’est-ce que l’école doit à tous, y compris aux plus faibles ? Qu’est-ce qu’un enfant doit savoir à 16 ans ? L’éducation scolaire, c’est en premier lieu, donner à tous le minimum de connaissances auxquelles ils ont droit. Mais cela se heurte aux objectifs des familles, qui souhaitent que leurs enfants en aient le plus possible. Le métier d’enseignant est très difficile car tout le monde, familles, employeurs, personnels politiques, attendent plus de l’école, le diplôme détermine une bonne partie de la vie professionnelle en France avec les vainqueurs de la sélection scolaire et les vaincus.

Nous sommes arrivés dans une société où la capacité de produire des diplômes est supérieure à celle de produire des emplois et la question de l’utilité des formations s’impose.

La deuxième chose qu’il faudrait être...

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