3 questions à ... François Audigier
À l’heure de la refondation, sur quel point vous semble-til important d’insister ou de revenir ?
Il en est de l’Éducation civique (ÉC) comme de bien des demandes adressées à l’École ; souvent, elles expriment plus les fantasmes et les impuissances des adultes que leur réel souci de formation des élèves, des jeunes générations, et de la construction par ceux-ci des outils et références nécessaires pour affronter le monde actuel et construire le monde de demain. Plus spécifiquement pour l’ÉC, il s’y lit trop souvent la réduction à une demande de rappel des règles, de défense de l’ordre.
Quelle que soit la validité de cette demande, l’ÉC ne s’y réduit pas. Elle est en son coeur un apprentissage de la vie collective et de la loi mais aussi des valeurs qui devraient fonder l’une et l’autre ; elle inclut la formation critique, c’est-à-dire le risque du désaccord, l’affirmation de la laïcité, la réflexion sur les principes fondamentaux de notre communauté politique, ceux que la devise républicaine affirme et auxquels il convient d’ajouter le principe de justice. De ce point de vue, morale et civisme sont intrinsèquement liés ; les valeurs, comme l’indique ce terme, sont des références pour évaluer les lois et les pratiques, orienter les unes et les autres. Cela implique notamment que, quelle que soit la validité des orientations prescrites, tous ceux qui détiennent une part de l’autorité publique – au premier rang desquels et pour ce qui est de l’École se placent les enseignants – doivent être les premiers à ne pas agir en contradiction avec ces principes et ces valeurs.
Pourquoi est-il devenu compliqué de cerner les programmes d’éducation civique et morale ?
Il est de plus en plus difficile de parler de l’École, des enseignants et des pratiques scolaires, d’un point de vue unique. Ainsi, sous le terme ÉC se rangent des points de vue, des contenus et des pratiques fort divers. Cette diversité tient à plusieurs facteurs parmi lesquels celle des situations scolaires, celle des contextes économiques et sociaux dans lesquels exercent les enseignants et des degrés concernés (on n’enseigne pas de la même manière ni les mêmes contenus en CP ou en CM2), celle des conceptions que ces mêmes enseignants ont de cette Éducation, entre ceux qui mettent l’accent sur les règles de vie au quotidien, ceux qui privilégient une étude des institutions, ceux qui étudient des thèmes d’actualité et d’autres qui favorisent l’insertion dans le local ou encore qui font sa place à la réflexion critique, sans oublier ceux qui empruntent à ces différentes approches. Il y a toujours une interprétation de ces textes par les enseignants. C’est normal et heureux lorsque les intelligences et les expertises de ces mêmes enseignant...