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"Les Animaux font le mur" au musée de Cluny

"Les Animaux font le mur" au musée de Cluny
© MNHN - Stéphane Jounot
À l’occasion des 20 ans de la Grande Galerie de l’évolution, le Muséum national d’Histoire naturelle prête à plusieurs musées parisiens des spécimens naturalisés en relation avec leurs collections. Au musée de Cluny, "La Dame à la Licorne" accueille cinq animaux et quatre planches d’herbier. Nous sommes conviés à une nouvelle visite de cette œuvre exceptionnelle. Les pistes d'exploitation pédagogique (en téléchargement) proposent d'aborder avec vos élèves ces deux volets.

Faire le mur, c’est quitter sans permission un lieu où l’on est habituellement enfermé. Avec ce titre en tête, on pouvait espérer une muséographie liée à une forme de liberté retrouvée. On sera donc quelque peu déçu de voir les cinq animaux empaillés choisis pour leur association avec La Dame à la Licorne à l’abri d’une vitrine de verre, dans la galerie adjacente à celle où La Dame s’expose. Un faucon pèlerin, un héron pourpré, une genette, un lapin brun et un renard font écho à leurs frères de haute lice. Ces animaux naturalisés interpellent le visiteur, qui les recherchera dans les tapisseries, mais ne verra que des lapins clairs ! Quant aux quatre élégantes planches de l’herbier du muséum, elles montrent une digitale, une achillée (ou ancolie), un pied d’œillets et une marguerite commune. Il fallait choisir parmi la quarantaine d’espèces appartenant à la flore commune du Moyen Âge, présentes dans les tapisseries. L’espace du musée ne permettait pas non plus que l’on installât le guépard ou la panthère de La Dame. On notera que de tels animaux pouvaient au Moyen Âge se trouver dans les ménageries, prédécesseurs du zoo moderne.

L’espace du musée explique ce choix modeste, et la déception est mince, face au plaisir de retrouver les six tapisseries dans toute la splendeur d’une restauration qui en a réveillé les teintes. L’espace où elles se déploient a été réaménagé, il est mieux adapté. Et depuis décembre 2013, l’ensemble constitue à nouveau le cœur lumineux (et toujours mystérieux !) du musée depuis son acquisition par l’État en 1882, à la suite du classement au titre des monuments historiques par Prosper Mérimée en 1841. A l’entrée, un bref extrait d’un sermon de Jean Gerson conduit le visiteur vers ce qu’il va voir : "Et parleray des six sens, cinq dehors et ung dedans qui est le cuer." Cette réflexion impose l’interprétation de l’historien de l’art anglais Albert F. Kendrick en 1921 (les tapisseries sont une allégorie des cinq sens), et propose une clé pour la sixième tapisserie qui intrigue toujours – le cœur serait le sens intime qui permet l’intelligibilité des cinq autres. Les tapisseries ont également trouvé un ordre de présentation davantage en lien avec la hiérarchie des sens propre à la sensibilité médiévale, et qui fonde mainte esthétique : du plus matériel, le toucher, au plus désincarné, la vue, en passant par le goût, l’odorat et l’ouïe. Les merveilleuses couleurs, ravivées, ont leur propre énigme, tels le bleu et le rouge voisins sur les armoiries. Michel Pastoureau adopte l’idée selon laquelle le rouge est "neutre", puisque présent en fond de toutes les tentures.

L’ensemble est suffisamment surprenant et beau pour que les...

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