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Analyse des programmes de mathématiques - Entretien avec Mélanie Guenais

« L’apprentissage des mathématiques devrait favoriser le raisonnement et la compréhension ». Les nouveaux programmes de mathématiques des cycles 1 et 2 apportent une structuration claire des notions à étudier, indique Mélanie Guenais, mathématicienne, vice-présidente de la société mathématique de France. Elle regrette cependant une approche rigide qui favorise l’exécution mécanique au détriment du raisonnement et cite des exemples d’exercices souvent déconnectés du quotidien, rendant l’apprentissage abstrait. Elle plaide pour une approche plus souple de l’enseignement et insiste sur l’importance d’un apprentissage interdisciplinaire.

Quelle analyse critique faites-vous de l'enseignement des mathématiques et des apports attendus de ces nouveaux programmes ?

L’analyse des nouveaux programmes de mathématiques met en lumière un manque de vision globale qui favorise une approche rigide plutôt qu’une véritable évolution des méthodes d’enseignement. Le principal problème est le manque d’appui sur les professionnels de terrain, enseignants, formateurs, chercheurs et chercheuses spécialistes de l’enseignement des mathématiques pour l’élaboration des programmes. Il n’y a pas eu d’analyse préalable des pratiques efficaces et des difficultés rencontrées dans l’apprentissage. En résultat, ces programmes risquent d’ancrer des mauvaises pratiques existantes sans améliorer les compétences des élèves.

Un point particulièrement problématique est la frénésie d’évaluations en temps limité avec visée performative, qui introduit une pression inutile sur les élèves sans réel bénéfice pédagogique. Par exemple, le programme préconise qu’un élève de CP doit pouvoir compléter huit additions à trou en une minute, ce qui, du point de vue pédagogique, n’a aucun sens. Comment mettre les enfants en situation d’apprentissage si on met en échec ceux qui sont juste trop lents ?

L’apprentissage des mathématiques devrait favoriser le raisonnement et la compréhension, mais cette approche privilégie la rapidité d’exécution au détriment de la qualité de la réflexion. Le système mis en place semble davantage tourné vers une performance immédiate plutôt que vers une construction progressive des compétences, au risque de mettre en difficulté les élèves les moins confiants et d’aggraver l’anxiété et les discriminations entre les filles et les garçons en mathématiques.

Pourriez-vous nous en donner quelques illustrations issues des nouveaux programmes ?

Les nouveaux programmes imposent aux enseignants une structure très rigide qui ne laisse que peu de place à l’autonomie pédagogique. Par exemple, imposer une méthode unique pour le calcul mental est un frein à la discussion sur les différentes stratégies possibles, et donc à la construction du raisonnement. La multiplication des schémas pour illustrer les problèmes mathématiques est une bonne idée en soi, mais leur mise en œuvre risque de conduire à des nouvelles « recettes de cuisine » sans permettre aux élèves d’en comprendre le sens ou l’intérêt.

Dans le cycle 3, on observe une volonté de limiter l’utilisation de la calculatrice, ce qui semble à contre-courant des pratiques en lien avec la vie quotidienne. Plutôt que d’enseigner aux élèves comment utiliser intelligemment cet outil, on privilégie une approche purement mécanique du calcul en réduisant les mathématiques à une application de tâches.

Enfin, les énoncés des problè...

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