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L’embranchement de Mugby, d’après Charles Dickens

théâtre, Dickens, personnages, récit
"Mugby Junction" est une série de huit nouvelles écrites en 1866 par Charles Dickens et ses collaborateurs. Les deux premières, "Barbox Brothers" et "Barbox Brothers & Co" (Dickens) font l’objet d’un émouvant et beau travail théâtral de Michaël Dusautoy et de son collectif Quatre Ailes. Le spectacle, remarquablement inventif sur le plan scénique, est pour tout public à partir de 7 ans.

Comment se sauver – se reconstruire – sinon par la grâce ou la magie des histoires ? Dickens ne connaissait pas les travaux de Jerome Bruner et pourtant, les deux premières nouvelles de L’Embranchement de Mugby montrent la puissance des histoires dans l’épanouissement de l’individu, auquel elles offrent le bonheur de la rencontre. Jackson, ou Barbox Frères, selon le nom inscrit sur sa valise, est un triste banquier. Il sortira de sa mélancolie en comprenant qu’il ne peut rester enfermé dans une trahison amoureuse ancienne : trois magnifiques personnages l’aident à sortir de lui. Jackson fuit son anniversaire qui approche, ou plutôt fuit le déterminisme attaché à ses anniversaires passés. Il échoue à Mugby, un nœud ferroviaire d’où partent sept voies vers d’autres destinations. Les explorer toutes lui permettra de se décider à emprunter celle qu’il supposera être la bonne, une fois connues les histoires qui s’y déroulent. À ce thème particulièrement contemporain, s’ajoute celui du handicap : la jeune femme que Jackson aperçoit à sa fenêtre, auprès de laquelle il va bavarder un moment, est incapable de marcher depuis sa tendre enfance. Mais au lieu de s’apitoyer sur son sort, Phébé (la brillante) est un modèle d’enjouement et de joie, d’accueil et d’acceptation du présent. Son père (Lampes) éclaire les trains ; il éclaire aussi sa fille en lui racontant les nouvelles de ce qui se passe dans l’embranchement, il lui rapporte livres et journaux oubliés des voyageurs. Le troisième personnage, la petite Polly de quatre ans, relie Jackson à son histoire ancienne, lui apporte une forme de délivrance et lui permet d’apercevoir le lieu de son bonheur. Ce lieu se tient au plus près de là où il s’est arrêté, comme dans L’Oiseau Bleu de Maeterlinck, naguère monté par M. Dusautoy.

Le metteur en scène et ses assistants sont demeurés fidèles au texte de Dickens, tout en imaginant un procédé scénique inventif et juste qui permet aux trains, à la gare, à l’embranchement, d’exister sur scène en cohérence avec le texte même. Dans la partie haute du fond de scène, un praticable situe le point de la déambulation de Jackson, sa chambre d’hôtel à Mugby, ou la fenêtre par laquelle Phébé voit le monde. Derrière l’acteur debout et marchant, ou couché et rêvant, le mouvement est donné par un film vidéo qui reprend le décor se trouvant sur le plateau. Ce décor est fait des modèles réduits de la gare et de la ville de Mugby, créés par Lampes pour le plaisir de sa fille : il l’anime de ses récits de la vie réelle. Ainsi les histoires que Lampes raconte à sa fille dans le texte de Dickens sont-elles transposées sur la scène, au moyen d’une gare miniature en carton. Cela fonctionne d’autant mieux que Lampes promène une caméra vidéo parmi les maquettes deven...

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