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Neurosciences et apprentissages : visions croisées

Neurosciences et apprentissages : visions croisées
Olivier Houdé et Philippe Meirieu
À l'heure où les neurosciences envahissent les médias et soulèvent quelques polémiques nous avons souhaité donner la parole à Philippe Meirieu, pédagogue et professeur en sciences de l'éducation, et Olivier Houdé, professeur de psychologie et directeur du LaPsyDÉ. L'enseignement et la science, l'échec scolaire et les neurosciences, effet de mode... Débat !

- Enseigner est-il une science ?

Olivier Houdé : La pédagogie est un art qui doit s’appuyer sur des connaissances scientifiques actualisées. En apportant des indications sur les capacités et les contraintes du "cerveau qui apprend", la psychologie expérimentale du développement de l’enfant et les neurosciences cognitives peuvent aider à expliquer pourquoi certaines situations d’apprentissage sont plus efficaces que d’autres. En retour, le monde de l’éducation, informé qu’il est de la pratique quotidienne - l’actualité de la pédagogie -, peut suggérer des idées originales d’expérimentation. Ainsi, se développe aujourd’hui un aller-retour du labo à l’école, comme nous le faisons avec mon laboratoire du CNRS de la Sorbonne, le LaPsyDÉ, via Lea.fr. Ces découvertes commencent aussi à être enseignées aux étudiants des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) en France. On entend toutefois dire aujourd’hui que la science ne fait pas la classe. Sont visées les neurosciences. Evidemment que la science ne fait pas la classe ! C’est comme si l’on disait dans le domaine de la santé : la science ne fait pas la consultation médicale. Qui pense le contraire ? Même si la technologie, ordinateurs et robots, peuvent aider les médecins et les chirurgiens. Mais qui imaginerait ou accepterait une médecine sans science aujourd’hui ? Personne, ou alors les membres d’une secte ! Il doit en être de même pour l’enseignement, guidé - entre autres disciplines - par les sciences cognitives de l’apprentissage.

Sans céder à une vision trop scientiste et naïve, voire idéologiquement dangereuse, d’une technoscience de l’éducation parfaitement contrôlée et contrôlable, je pense - tant comme instituteur que comme scientifique - qu’on ne peut refuser l’idée qu’une recherche pédagogique nouvelle, exploitant les ressources actuelles de l’imagerie cérébrale et de la psychologie expérimentale, puisse éclairer certains mécanismes neurocognitifs élémentaires d’apprentissage dont dépendent des phénomènes éducatifs, sociaux et culturels plus complexes.

Philippe Meirieu : À mes yeux, enseigner ne peut ni ne doit être une science. Cela n’est pas possible car la relation pédagogique est complexe, multifactorielle : elle comprend des dimensions affectives, sociales, didactiques, institutionnelles, etc. Elle met en jeu un ensemble d’interactions non seulement entre le professeur et chaque élève, mais aussi entre les élèves eux-mêmes et avec un environnement lui-même pluriel et en perpétuelle évolution. Dans ce cadre, le pédagogue doit, tout à la fois, installer des "routines" qui permettent de stabiliser des configurations optimales et faire des choix en fonction des événements qui surviennent. Il doit donc av...

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