Le héros de ce roman paru aux éditions Casterman naît d’un rapt. Sa mère, maîtresse de musique française, suit une famille de petits nobles espagnols désireux de tenter leur chance du côté du Rio de la Plata. Enlevée par des Indiens, elle donne plus tard naissance à un garçon. À leur tour victimes d’un raid, de soldats espagnols cette fois, les Indiens sont massacrés, le garçon ne devant la vie sauve qu’à sa peau claire. Il est acheté par un marchand brutal de Buenos Aires qui s’amuse à le projeter dans la mer. Il tirera son surnom de ce ‟saut de l’ange” obligé. Plongeon et aisance dans l’eau lui sauveront la vie. Il échappe d’abord au marchand en gagnant à la nage le Neptune, un bateau qui part pour les terres australes en compagnie de trois savants. Bien plus tard, condamné à une mort certaine, il plonge du haut d’une falaise et gagne la faveur de ceux qui l’avaient condamné. Entre ces deux épisodes, il fait l’expérience de la vie éprouvante que mène une population des Terres australes, les Woanoas, le ‟peuple des deux voix”. Lui et Corvadoro, un savant vénitien, sont gardés en otage tandis que le Neptune repart, cherchant un cap, puis devenant prisonnier des glaces.
Au terme d’épreuves d’autant plus dures qu’elles se produisent dans un climat hostile, Angel et Corvadoro parviennent à s’échapper de l’emprise des hommes aux deux bouches : c’est Angel qui paiera pour cela le prix le plus fort, Corvadoro étant relativement protégé en raison de son âge. Retrouvant par miracle le Neptune, Angel et Corvadoro gagnent Venise, où le vieux savant fait apprendre au garçon à lire et à écrire. Aidé d’Angel grâce auquel il peut consigner les moindres détails de la vie des Woanoas, Corvadoro tente de faire reconnaître la vérité de ce peuple, alors que l’un des savants de l’expédition ne voyait en eux que des singes.
La langue souple et précise de l’auteur François Place invite les lecteurs à se constituer un petit lexique marin. Deux voix narratives alternent au cours du récit : tandis que Angel raconte ce qu’il voit et ce qu’il vit, un narrateur, observateur extérieur, décrit les épreuves que subissent le bateau et ses occupants. Les temps de suspense ainsi ménagés déterminent le temps du récit et laissent le lecteur dans l’attente angoissée propre à tout récit d’aventure. Mais ce lecteur sait que Angel, étonnant de force et de détermination, doit sortir vivant de l’histoire, au moins pour témoigner.
Angel, l’indien blanc, François Place, Casterman, 2014, 320 p., 15 €.