Chaque nouvelle version de ce conte bien connu révèle un aspect que l’on avait pu négliger : ainsi, dans la belle animation de Suzie Templeton (Arte, 2009), l’auteur choisissait de montrer la misère et l’hostilité de l’environnement. Les choix graphiques et plastiques d’Éric Battut restituent aussi le dépouillement de l’univers du petit Pierre, sa grande solitude, mais on lit également mieux sa témérité, comme son désir de partager sa réussite.
Conçu à l’origine pour familiariser les enfants (dont son fils) avec les principaux instruments de l’orchestre, Serge Prokofiev écrivit lui-même ce conte, que nous résumons ici. Devant la maison de Pierre et de son grand-père, le jardin est fermé. Un jour, Pierre sort dans les prés adjacents, un canard en profite pour s’enfuir et aller nager, s’ensuit une dispute entre lui et un oiseau. Comme un chat s’approche, l’oiseau s’envole dans un arbre. Le grand-père surgit qui ramène Pierre dans la maison, parlant d’un loup menaçant. Juste à ce moment, un gros loup sort de la forêt, le chat se réfugie dans un arbre. Le canard se fait avaler par le loup. De son jardin, Pierre observe que le loup voudrait bien aussi avaler le chat et l’oiseau, et prenant une grosse corde, il monte dans un arbre et attrape le loup par la queue. Des chasseurs arrivent, Pierre demande que l’on mène le loup au parc zoologique. On retrouve là les grands acteurs de la Russie traditionnelle : la forêt, le loup, le grand-père, le vaillant et malin garçon. Leur adjoignant les chasseurs, le chat, l’oiseau et le canard, Prokofiev se donne la possibilité de mettre en relation sept personnages et des instruments ou familles d’instruments. À l’oiseau la flûte (référence évidente à Mozart), au canard le hautbois (et ses sons agrestes, comme le disait Berlioz), au chat une clarinette, au loup trois cors qui jouent un accord très wagnérien (clin d’œil inversé ?), au grand-père un basson (un instrument aux origines très anciennes) et enfin aux chasseurs la grosse caisse et les timbales (utilisées à l’origine dans les armées). On perçoit ainsi que les accords pensés par Prokofiev entre les instruments et les personnages puisent à de lointaines racines dans la musique, et qu’il ne s’est pas contenté d’associer des sons et des caractères. Ainsi le quatuor des cordes représentant Pierre est-il préféré parce que la forme en est un modèle d’équilibre et d’invention.
Les six extraits du répertoire classique choisis pour compléter (ou augmenter) cet album ont des liens de parenté avec l’œuvre de Prokofiev. Ces extraits expriment une atmosphère (la nuit), une émotion (la tristesse), un mouvement (des animaux), que les enfants sont amenés à apprécier.
Ce très bel album peut être travaillé dès le cycle 1, en faisant varier les niveaux d’approch...