Le village de Chaïm Soutine
Préambule
La déformation est un procédé très utilisé dans le langage plastique moderne. Efficace pour créer des puissants effets de sens, il est aisément perçu par les enfants. Dans Le village, Chaïm Soutine use entre autres de ce moyen formel, pour donner un caractère très expressif à sa peinture. C’est ce procédé qui sera mis en exergue lors de la lecture et de l’activité proposées en classe.
Présentation de l’oeuvre
Soutine rapportera de son séjour dans le midi, quelques deux cents paysages, tous marqués d’une facture et d’une beauté apocalyptique. Ce ‘village’ n’est autre que l’un des paysages réalisés à La Basse Gaude, situé à quelques kilomètres de Cagnes.
D’emblée l’oeil du spectateur est pris dans la tourmente infernale et flamboyante des couleurs et des contorsions. Rien ne semble lisible… Puis comme après un étourdissement passager, un certain équilibre s’installe... et Soutine nous invite à grimper le long de ces chemins tortueux et instables qui serpentent et dégoulinent à travers les habitations du village. Trois ensembles de bâtisses rythment cette composition frontale, s’ordonnant dans une diagonale ivre et ascendante. Comme entremêlées à une nature furieuse, les maisons se tordent, ploient et dansent jusqu’au ciel, qui lui aussi s’est affranchi de toute plénitude. Même l’arbre légèrement à gauche, élément protecteur si cher à Soutine, semble embrasser fiévreusement de son feuillage, tout l’espace du village. De ci-de là, des détails encore figuratifs apaisent le spectateur. Portes, fenêtres, toitures, terrasses et balcons résistent à la tourmente. Mais d’autres éléments, comme celui en bleu, du premier plan, restent difficilement identifiables. A travers les couleurs qui vibrent, la matière qui s’empâte, les touches qui malmènent la toile, Soutine transgresse les codes de représentation et peint impétueusement sa dramaturgie intime. C’est beau et terrible !