"L’éducation de nos enfants exige mieux qu’un bal des hypocrites"
La (prétendue) réforme de l’orthographe a provoqué un tumulte considérable, et déclenché un véritable pataquès. Pourquoi tant de fureur et de bruit, à propos d’une réforme qui, pour la ministre de l’Éducation nationale, "n’existe pas" ?
Sans prendre parti sur la validité de l’effort de "rectification orthographique" qui est à l’origine de ce tumulte (nous laisserons cela aux linguistes et aux didacticiens), nous voudrions simplement faire observer que le débat se situe à trois niveaux différents, qu’il y a lieu de bien distinguer, sous peine d’être englouti dans une bataille dont le sens même nous échapperait.
Un enjeu technique
Le premier niveau est technique. Il concerne la nature des changements proposés en 1990 par le "Conseil supérieur de la langue française", et approuvés par l’Académie française, comme en témoigne le Journal officiel de la République française du 6 décembre 1990.
Les commentateurs les plus lucides paraissent s’accorder à reconnaître que les rectifications orthographiques ne bouleversent pas les règles, mais s’efforcent de les renforcer, dans le sens d’une rationalisation de la langue écrite. On pourra certes discuter des motivations de ces rectifications : faut-il vouloir simplifier l’apprentissage du français ? De leur opportunité : faut-il vouloir harmoniser et simplifier le lexique, et supprimer les signes obsolètes ? De leur étendue : 2 400 mots, est-ce trop, ou trop peu ? Et enfin de leur force normative : les rectifications doivent-elles être, ou non, obligatoires ?
Mais on devra en discuter d’autant plus calmement que l’on sait que le dernier mot appartient toujours à l’usage, qui tranche finalement entre ce qui est admis, et ce qui ne l’est pas. D’où vient alors la passion qui enflamme le débat ? Sans doute du fait qu’il engage deux autres niveaux.
Une enjeu social
Le deuxième niveau est social. Il a pour enjeu la place et le statut de l’écrit dans la vie des Français. C’est en ce sens, par exemple, que la responsable des correcteurs du journal Le Monde "regrette que la langue parlée, avec ses impropriétés, ait tendance à se substituer à la langue écrite" (20/O2/16).
Un combat pour la défense de l’écrit peut être jugé aujourd’hui nécessaire. Dans un pays qui révère la littérature, c’est une affaire sérieuse. D’autant plus que l’utilisation massive de moyens de communication tels que les SMS, voire les tweets, se traduit, de fait, par un moindre respect des exigences de la langue écrite.
Ce combat pourra rencontrer celui de ceux qui prônent un retour de la dictée, ou affirment la nécessité de continuer à offrir à tous la richesse de la langue clas...