On s’inquiète toujours de trouver la juste mesure, ou l’approche la mieux adaptée, pour ce conte dont le propos est cependant teinté de burlesque, comme le remarquait Marc Soriano. C’est bien cela qu’a compris Florence Le Corre en travaillant le texte de Perrault, lui gardant ses vers mais ajoutant la touche d’un sous texte comique et même audacieux auquel le petit public, et le grand, est sensible ! Car les rires fusent en de nombreux passages, les enfants redevenant graves dès qu’ils s’identifient à la détresse de la princesse qu’incarne si bien Ariane Brousse. Mais le conte serait-il plutôt comme le veut la mise en scène de Pénélope Lucbert une question du passage de l’enfant à l’âge adulte ?
Depuis l’enfance, nous connaissons tous l’histoire de Peau d’Âne et, enfants, nous n’avons jamais vraiment compris ou du moins exprimé que quelque chose se jouait de l’ordre de l’inceste. Il suffisait que l’on entende que l’on n’épouse pas son père, puis on se laissait aller au plaisir du conte : plaisir de retrouver d’autres contes sous la peau de l’âne, tel celui de Cendrillon qui fait essayer sa pantoufle comme la Peau d’Âne fait essayer sa bague, tel celui de l’Âne aux pièces d’or, ou cette version particulière des Grimm, Le Petit Âne qui inverse les genres. Au cœur du conte, une princesse dont la mère est morte reste seule avec son père. Après quelques temps, ce père désire l’épouser afin d’être fidèle à la promesse faite à son épouse défunte (n’épouser qu’une femme plus belle et plus sage). Aux côtés de la princesse, un soutien merveilleux, la fée marraine qui propose des solutions (les robes) pour qu’elle échappe au père. Les trois robes ne suffisant pas à le tenir à distance, la fée opte pour un quatrième moyen, le sacrifice de l’âne pourvoyeur des richesses du royaume. Même cela ne fait pas fléchir le père, et sa fille s’enfuit vêtue de la dépouille de l’animal. Réfugiée dans les cuisines d’une ferme où elle est la souillon de service, Ninon (ainsi nommée dans l’adaptation) ne trouve des forces que dans le rappel de sa gloire passée (son enfance perdue ?) : les robes qu’elle revêt le dimanche, une fois ses tâches accomplies. On connaît la suite, le prince du royaume voit la belle par la serrure de sa hutte, en tombe éperdument amoureux, n’a de cesse de l’épouser. Cela est rendu possible par la bague de Ninon trouvée dans le gâteau qu’elle confectionne pour le prince, bague que toute la gent féminine du royaume essaie avec la même absence de succès que les femmes dans Cendrillon. Tout est bien qui finit bien : au mariage, le père de Ninon arrive, revenu de son amour coupable. Ninon et son prince pe...