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Gustave Doré : L’imaginaire au pouvoir

Gustave Doré : L’imaginaire au pouvoir
Gauche : "Les Saltimbanques" © Ville de Clermont-Ferrand - musée d'art Roger-Quilliot ; Centre : "Au secours ! Au secours ! Voilà M. le marquis de Carabas qui se noie", frontispice pour "Le Maître Chat ou Le Chat botté", publié dans Charles Perrault, "Contes", illustré par Gustave Doré, réserve des Livres rares © Bibliothèque Nationale de France ; Droite : "Entre Ciel et Terre" © Musée d’Art et d’Histoire, Belfort, France/Giraudon/The Bridgeman Art Library
Que les enseignants éloignés du musée d’Orsay se rassurent : la richesse du site Internet consacré à l’exposition Gustave Doré (1832-1883) permet une visite virtuelle très complète et un travail en classe dont nous proposons quelques pistes dans les ressources. Les formes que l’enfant a aujourd’hui sous les yeux (cinéma, jeux vidéo, etc.) trouvent leur origine dans cette œuvre multiple.

Cette belle rétrospective répare l’injustice faite à Gustave Doré, dont nous connaissons surtout le travail d’illustrateur : elle révèle le peintre et le sculpteur, puissant lecteur de mondes fantastiques mais aussi quotidiens.


Le visiteur attentif qui parcourt les salles est stupéfait de l’exclusion du monde de la peinture officielle qui frappait Gustave Doré. Mais il doit aussi se réjouir, car contre elle, Doré l’autodidacte témoigne d’une liberté plastique qui fait de lui un pionnier : de la bande dessinée (à l’instar de ses maîtres reconnus tels par lui, Grandville et Töpffer) jusqu’à ses bouleversantes monochromies. Cette malédiction l’a suivi jusqu’à nous, tant le dessinateur et illustrateur occulte le peintre et le sculpteur. Au hasard d’un cartel, ne lit-on pas le critique Castagnary disant que "mauvais dessinateur et mauvais peintre, M. Gustave Doré vient d’ajouter à sa réputation celle de mauvais sculpteur " ! À cet égard, la sculpture La gloire étouffant le génie en dit long sur le sentiment de l’artiste.

La première partie de l’exposition offre l’occasion rare de voir certains tableaux immenses, tel ce Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’Enfer (1861) ou Le Christ quittant le prétoire, peint entre 1867 et 1872, dont les lignes de fuite (et les dimensions) s’inspirent des Noces de Cana. À l’entrée, l’étonnant Entre ciel et terre de 1862 donne le ton de l’exposition qui aurait pu s’intituler "l’œil vagabond" pour reprendre une idée de Werner Spies. Dans ce tableau, le crapaud suspendu à un cerf-volant va être dévoré par une cigogne, tandis qu’un corbeau transperce un autre cerf-volant, avec Strasbourg en toile de fond : l’image produit le récit.


La seconde partie au cinquième étage est plus intime : elle présente les dessins de l’enfant (Le danger de patiner date de 1840), les premiers travaux pour la presse, les illustrations pour Rabelais, Coleridge, Cervantes et autres. La dernière partie est consacrée aux toiles peintes durant la guerre de 1870 (étonnante monochromie de L’aigle noir de Prusse, où le front de la France à terre est marqué de rouge), à la peinture religieuse et aux paysages peints dans les Alpes et en Écosse. La salle consacrée à l’Angleterre évoque les ravages de la révolution industrielle, que dénoncent les planches de Doré. L’exposition se clôt sur une présentation de l’imaginaire cinématographique (de Ferdinand Zecca, 1901, à Harry Potter) puisant à la source fantastique d’un grand conteur en images. L’enfant peut alors prendre conscience des racines de son univers plastique.

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