3 questions à...Jacky Biville
L'École aujourd'hui : Quelle place accorder à l’oralité à l’école maternelle ?
Jacky Biville : Pour développer le langage oral, trois grandes modalités de l’oral sont convoquées. Le parlé, constitué par exemple d’échanges verbaux entre enfants au cours d’ateliers ou dans les coins de jeux dont il faut souligner l’intérêt et la nécessité. L’oral “socialisé”, fait de tous les moments où les élèves écoutent l’enseignant s’adresser à la classe, par exemple pour lui conter ou lire une histoire, et où l’élève lui-même est amené à prendre la parole au sein du groupe. Les rituels, et ce qui a trait aux règles de vie de l’école et de la classe. L’oralité, elle, regroupe l’ensemble des faits et processus de communication liés à la parole de la classe qui se développe dans des contextes ritualisés. Elle s’inscrit dans la répétition, la récitation, la choralité, et se réfère à la mémoire identitaire du groupe. Elle met en jeu une dramatisation, la voix et le corps, le tout émis par une diction spécifique. Elle repose sur l’énonciation et met en oeuvre un style marqué soit par des rimes, soit par de la mesure et par du rythme liés à la mémorisation. Cette dernière modalité de l’oral est prioritaire dans les activités théâtrales ancrées sur des comptines, des chants, des contes, des albums ou des livres proposés par l’enseignant aux élèves. Sa pédagogie se réfère à des textes et vise aussi l’entrée dans l’écrit.
LEA : Pourquoi associer oralité et mise en scène ?
J.B : La voix en tant que “chair” du langage a des similitudes avec l’expressivité du corps et elle participe aussi à son expressivité. Le son prend naissance dans le corps, il y fait sens ; ce sens non seulement ne quitte pas le corps, mais y résonne, en tire son essence et s’y incarne. “Si les gestes parlent, c’est d’abord parce que les mots miment les gestes…” disait Deleuze. Autrement dit, verbe et corps sont indissociables. Dès lors, l’expression corporelle est une “transvocalisation” : le langage est comme un récit intérieur au corps qui s’ajuste avec la voix. Mettre en scène à la maternelle, c’est proposer aux élèves de prendre plaisir à jouer “à dire”, à “redire”, à découvrir des aspects sémiotiques cachés de la langue, des ambiguïtés phonétiques, des relations rythmiques entre les mots en lien à l’expressivité du corps et à la respiration. Ce réordonnancement de la connivence entre corps et langage permet une vraie réappropriation de la langue par tous les élèves.
LEA : Comment aborder les pratiques théâtrales avec de jeunes enfants ?
J.B : Le jeu dramatique doit être ressenti comme authentique. Or, pour parvenir à cette justesse de jeu, l’engagement du co...