3 questions à... Bernadette Aubry
L'École aujourd'hui : La notion de vivant est abstraite. Comment l’aborder en maternelle ?
Non seulement le concept de vivant nécessite l’abstraction, mais c’est une notion complexe en lien avec de nombreuses propriétés dont certaines ne sont pas encore connues des enfants. La notion de vivant a évolué de l’Antiquité à nos jours. Tout d’abord conçu comme “animation” puis “mécanisme”, le vivant se définit aujourd’hui à travers les programmes de l’école comme “organisation” (Canguilhem). Cela renvoie ainsi à : naissance, croissance, vieillissement, mort et aux grandes fonctions vitales : nutrition, reproduction, relation (sensibilité, mouvement). Au collège, le vivant, système ouvert qui échange avec l’extérieur de l’information, de la matière et de l’énergie pour assurer son autoconservation, est défini comme “communication”. L’enfant construit le concept de vivant en fonction du développement de sa pensée ; Piaget la qualifie égocentrique. Cela le conduit à des stades explicatifs artificialistes, animistes et enfin finalistes du vivant. Le jeune élève accumule des expériences au quotidien, interprète les phénomènes, tisse des relations causales et se crée des “théories naïves” pour expliquer le monde qui l’entoure. Ses modèles explicatifs, de nature anthropomorphique, sont des obstacles à la pensée scientifique (Bachelard). Pour autant, aborder le vivant en maternelle doit se faire sur la durée et de manière progressive, comme privilégier des observations régulières sur soi-même, constater sa croissance à l’aide de toise, décrire les “ressentis” de son corps, découvrir les manifestations de diverses fonctions telles que se nourrir, respirer, être sensible, bouger. Parallèlement, la gestion et le suivi régulier de petits élevages ou de cultures sont à favoriser. Cela permet de comparer les êtres vivants entre eux, d’éveiller la curiosité, et de déclencher le questionnement. L’élève verbalise, met en relation action et organe, explique sa pensée et argumente. C’est un premier pas vers l’abstraction. Enfin, instaurer dans une démarche inductive, un va-et-vient entre le réel, la manipulation du concret et le représenter par des images séquentielles, des dessins d’observations, renforce l’abstraction.
LEA : La méthode expérimentale peut-elle s’appliquer à ce domaine ?
Oui, quand il s’agit de l’étude du monde végétal, par exemple pour répondre à la question “les graines sont-elles vivantes ?” où la manipulation, les semis, les plantations sont faciles. Pour l’étude des animaux ou de son propre corps, une démarche d’investigation peut être mise en place par l’observation du réel, par des enquêtes auprès d’éleveurs, par la recherche documentaire dans des albums spécialisés ou de fiction scientifiqu...