Après l'attentat du 13 octobre, comment aborder la laïcité et la liberté d'expression avec les élèves ?

Après l'attentat du 13 octobre, comment aborder la laïcité et la liberté d'expression avec les élèves ?
"Enregistrer les questions des élèves et y revenir dans un cours ultérieur"
"Développer chez les enfants un rapport apaisé et réfléchi à la laïcité et aux faits religieux"
Boite à outils en lien avec l'attentat du 13 octobre
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"Enregistrer les questions des élèves et y revenir dans un cours ultérieur"

"Enregistrer les questions des élèves et y revenir dans un cours ultérieur"
Mariannick Dubois-Lazzarotto
L’Inspectrice de l’Éducation nationale, Mariannick Dubois-Lazzarotto, autrice laïcité et faits religieux, explique pourquoi l’assassinat de Dominique Bernard et les événements du Proche-Orient percutent les enseignants. Elle donne des conseils pour évoquer les questions de liberté d’expression, de séparation des pouvoirs et des religions au sein des classes.

Les temps de parole organisés le lundi 16 octobre, à la suite de l’assassinat de Dominique Bernard, étaient-ils indispensables ?

Oui, je le pense : il faut écouter les élèves mais des échanges préalables entre enseignants sont indispensables. Précédemment, lors de l’attentat contre Samuel Paty, ces temps n’avaient pas été systématiquement acceptés par la hiérarchie de l’Éducation nationale :  cela avait choqué de nombreux enseignants.

En effet, ces attentats posent à chacun la question du sens de sa vie et de ses croyances. Les petits élèves demandent facilement : "Et toi, tu y crois ou pas ?"  Il faut un temps pour préparer des réponses sensibles et laïques. L’enseignant peut par exemple dire : "Je note ta question mais je ne peux pas trop en parler maintenant, car je suis ému comme toi."

Dans ce type de réponse, on est simplement d’humain à humain, et on reste cependant dans la neutralité professionnelle.

Comment ces événements peuvent-ils toucher les enseignants ?

J’ai participé aux interventions, en tant que membre d’une équipe d’urgence, auprès des lycées à Paris juste après les attentats de 2015 et des écoles de Paris après les attentats du Bataclan. Ces événements meurtriers percutent les enseignants doublement : il peut y avoir une fragilisation personnelle comme victime ou proche de victime et une fragilisation sur le plan professionnel.

Sur le plan professionnel, ce type d’attentats touche un point particulier chez beaucoup d’enseignants :  l’enseignement de la laïcité, pendant des années, conçue comme acquise et comprise. Ré-expliquer les fondements historiques et l’actualité n’est pas évident si la formation continue n’a pas suivi. L’autre élément est qu’il est nécessaire de séparer le bon grain de l’ivraie, de ne pas tomber dans les amalgames…. Or, la connaissance des religions, n’est pas du tout dans le référentiel des enseignants et surtout des plus jeunes. Il faut à la fois expliquer la laïcité, dire qu’elle n’est pas contre les religions et en plus, distinguer les fanatismes qui existent dans toutes religions des croyances compatibles avec la République.

Certains enseignants n’ont pas souhaité prendre la parole lundi devant les enfants pour dialoguer au sujet de la laïcité et de la liberté d’expression. Qu’en pensez-vous ?

Il peut y avoir, en effet, des questions apparemment agressives ou dérangeantes sur les dogmes et croyances, que l’enseignant n’avait pas prévues. Il est préférable qu’il enregistre ces questions et y revienne après avoir échangé avec des collègues plus aguerris ou des formateurs. Il faut le temps de préparer le cours. Les enfants le comprennent très bien à condition qu’on ait entendu leur expression spontanée.

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