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Entretien

Gracia Dorel-Ferré : “Une composante de société”

Gracia Dorel-Ferré : “Une composante de société”
Dans cet entretien, Gracia Dorel-Ferré définit le fait religieux et explicite les conditions de son enseignement à l’école dans le cadre du principe de laïcité.

L’École aujourd’hui : Qu’est-ce qu’un fait religieux ?
Gracia Dorel-Ferré : Tous les groupes humains se sont posé depuis l’aube des temps, des questions fondamentales sur l’origine de la vie, son sens, sa pérennité. Ils ont, presque tous, répondu dans le sens de l’existence d’une divinité supérieure, transcendante, à la fois guide et garante d’un certain ordre. Je dis presque tous parce que des sociétés, sous l’impulsion de grands philosophes, ont donné des réponses qui, sans nier l’existence des dieux, en esquivaient la présence : ce sont les religions bouddhiques (qui ont abouti cependant à une divinisation de l’ascète) et confucéenne, cette dernière éminemment morale et peu spéculative. Mais il faudrait aussi citer, en Occident, l’enseignement d’Épicure, qui estimait que les dieux ne se préoccupaient pas des hommes et que par conséquent il valait mieux ne pas compter sur eux. L’épicurisme a eu des siècles d’existence et a été éradiqué, avec bien des difficultés, par le christianisme. Intimement liées aux sociétés qui les ont vues naître, les diverses religions révèlent des inquiétudes analogues, mais les réponses sont différentes, et elles ont évolué avec le temps. Certaines religions ont été refoulées par les conquérants (les Romains, par exemple, ont cantonné puis étouffé la religion des Gaulois), mais la plupart du temps il s’est effectué des syncrétismes parfois curieux, comme c’est le cas en Amérique latine avec le catholicisme et les religions précolombiennes.
Le fait religieux ou toute réflexion collective sur la destinée des hommes, avec tout ce que cela comporte dans sa mise en oeuvre quotidienne et sociale, est donc une composante de société, et c’est en cela qu’il intéresse l’école élémentaire.

Faut-il enseigner le fait religieux à l’école ?
G. D.-F. : À l’école, on étudie les périodes de l’Histoire de France et d’Europe, marquées à certains moments par la rencontre de trois civilisations, caractérisées par leur religion monothéiste aux fondements communs, qui vont alternativement se comprendre et se combattre : la chrétienne, la musulmane, la judaïque. Les élèves vont aussi apprendre que ces religions se sont parfois combattues dans leur sein même ; ainsi, par exemple, le conflit entre catholiques et protestants. Notre rôle est d’aller au-delà. Le grand ingénieur militaire Vauban, dont l’oeuvre de fortification vient d’être inscrite au patrimoine mondial, a été un des rares à dénoncer, face à Louis XIV, les dragonnades contre les protestants du Midi. Enseigner le fait religieux à l’école, c’est dénoncer l’intolérance et promouvoir le respect entre les cultures. Admettre l’autre, admettre la différence, c’est le premier pas vers tout engagemen...

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