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« Une collaboration avec tous les parents, ou presque, est possible »

Pierre Périer, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Rennes 2 et spécialiste de la coéducation confinement
(c) Pierre Périer
Pierre Périer, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Rennes 2 et spécialiste de la coéducation, estime que la période de confinement a permis un changement positif de regard entre enseignants et parents. Face à un processus de coéducation qu’il estime peu pensé en fonction de toutes les familles, surtout les plus défavorisées, il propose de poursuivre la relation individualisée entre les enseignants et les parents qui s’est mise en place durant le confinement.

Que nous a appris cette période de confinement dans les rapports entre les enseignants et les parents ?

J’ai envie de retenir que, finalement, une collaboration avec tous les parents ou presque, est ou serait possible. Dans mon dernier livre (Des parents invisibles. L’école face à la précarité familiale, PUF, 2019), j’ai mis en avant le fait que, malgré les incitations à la coopération portées par l’école depuis les années 1980, les parents, surtout les plus précarisés, ne savent pas comment intervenir pour soutenir la scolarité de leurs enfants, selon les exigences et modalités attendues par l’école. Or, si l’école prend davantage l’initiative en se souciant de faire avec tous les parents, un nouvel équilibre peut se mettre en place dans la relation, ce qui néanmoins ne résout pas la question des inégalités de condition et de compétences des parents. Récemment, j’ai fait deux tables rondes dans des quartiers prioritaires avec des parents dans des situations de précarité, en lien avec l’association ATD-Quart-monde. Ces premiers témoignages indiquent que cette période d’« instruction familiale obligatoire » a révélé que, derrière des parents perçus comme éloignés, dits démissionnaires, se trouvent des parents mobilisés et disposés, à la mesure de leurs moyens, à aider leurs enfants. Les enseignants ont pu contacter ces interlocuteurs et échanger avec eux. Cette réalité vient mettre à bas l’idée que seule une partie des parents seraient investis dans l’éducation des enfants.

Quels sont les aspects moins positifs mis au jour lors de cette période difficile ?

Cet aspect positif d’une relation qui prend une forme nouvelle a son envers, car le confinement a dévoilé l’ampleur des difficultés démultipliées des parents face aux enjeux et exigences des apprentissages scolaires de leurs enfants : rapport au numérique, en termes à la fois d’outils et d’usages, cohabitation difficile dans les logements exiguës, avec le cas par exemple d’une mère seule avec ses deux enfants vivant dans une pièce, faible maîtrise des savoirs… On a l’impression qu’un certain nombre d’acteurs individuels et institutionnels découvraient l’ampleur des inégalités, alors qu’elles n’ont été que portées au grand jour par cette crise sanitaire.

Il est en effet difficile de mettre son enfant au travail quand les parents eux-mêmes sont en difficulté face à ses apprentissages. L’un des points discriminants également apparu montre que les parents n’ont pas été en mesure de se mobiliser dans la durée. Certains avouent avoir décroché dès la deuxième semaine face à la répétition des demandes de l’école, aux exigences de maîtrise de l’outil ou de l’accès aux ressources sur internet, aux difficultés à la fois cognitives et relatio...

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