La laïcité, pierre angulaire du pacte républicain
Réapparue à la fin des années 80, la question de la laïcité a ressurgi violemment après les événements de janvier 2015 et l’école s’est trouvée interpellée. Comment, d’un quasi non-sujet en est-on venu à cette question très prégnante ?
Alain Seksig : J’aimerais d’abord rappeler une définition de la laïcité, proposée à l’issue des travaux de la Commission Stasi : "La laïcité, pierre angulaire du pacte républicain, repose sur trois valeurs indissociables : liberté de conscience, égalité en droit des options spirituelles et religieuses, neutralité du pouvoir politique." Il faut partir de là ! Lorsque j’ai commencé à Belleville dans les années 70, entre nous, jeunes enseignants et plus anciens, nous ne parlions jamais de laïcité. La question surgissait rituellement une fois l’an, à l’occasion d’une manifestation syndicale, pour rappeler que les fonds publics devaient aller à l’école publique et que l’école privée devait se satisfaire de fonds privés. C’est à peu près le seul moment de l’année où l’on évoquait la laïcité. Elle n’était plus présente dans le cadre de la formation des enseignants alors que dans les décennies précédentes, elle était au cœur de leur formation. Aujourd’hui, ce thème est présent dans toutes les conversations de tous les établissements scolaires de France, premier et second degré confondus.
Nous n’en parlions pas, car nous pouvions estimer le problème réglé depuis longtemps. Une autre raison de ce silence : on remettait à plus tard le fait de revisiter ce principe.
Une revisitation rendue nécessaire par la présence de nouveaux élèves ?
A. S. : Oui, nous pensions que nous aurions à revoir ce principe en fonction des nouvelles populations accueillies dans nos classes, avec un présupposé d’ailleurs, qu’il nous faudrait interroger, que les principes républicains seraient plus difficiles à faire admettre. Nous avons vécu sous ces auspices sans trop de difficultés jusqu’au milieu des années quatre-vingt. Personnellement, j’accueillais beaucoup d’élèves d’origine étrangère. Je me suis donc vite intéressé aux questions touchant la scolarisation de l’enfant d’origine étrangère dans les structures de l’enseignement spécialisé. Dès ce moment-là, au milieu des années 70, un dispositif m’a interrogé, et m’interroge encore : les Enseignements de Langues et Cultures d’Origine (ELCO). Jusqu’au début des années 70, à de rares exceptions près, la scolarisation d’élèves non francophones ne faisait pas l’objet de mesures spécifiques. Puis, en France et en Europe, on a pensé que les familles immigrées retourneraient dans leurs pays, qu’il ne fallait pas couper les enfants de leur langue et de leur culture d’origine, afin qu’ils puissent se réinsérer par la suite dans leur pays le plus h...