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Des conditions de travail dégradées

Augmentation de la charge de travail, évolution du comportement des élèves, arrivée des nouvelles technologies, changements fréquents de programmes… Les enseignants estiment que les conditions d’exercice de leur métier se sont détériorées au fil des années. Un sentiment d’autant plus pesant qu’une immense majorité perçoit un regard négatif et critique de la société sur leur profession.

La vie des enseignants n’est pas un long fleuve tranquille, loin de là.

À la question de l’évolution de la profession depuis leur première année dans ce métier, une majorité considère que les conditions d’exercice de celui-ci se sont dégradées. Près de 76% plus exactement, si on additionne les réponses « la charge de travail augmente », « plus difficile », « des élèves plus difficiles à gérer » et « des relations compliquées avec les familles »

Logiquement, l’augmentation de la charge de travail est moins ressentie par les enseignants les moins expérimentés (17% la citent en premier). Travaillant en lycée privé, Jérôme écrit : « C'est ma première rentrée donc il est encore difficile de répondre à cette question. Mais l'impression générale est une précarisation importante du métier du fait notamment du recours accru aux contractuels et des faibles salaires. »

Les enseignants ayant entre 11 et 20 ans d'expérience sont 41% à citer l’augmentation de la charge de travail comme principale évolution. Mélanie, en école primaire, indique : « En 15 ans on nous demande toujours d'enseigner davantage de disciplines, anglais renforcé, informatique... sans avoir plus de temps. On a de plus en plus d'aspects administratifs à gérer en plus (évaluations nationales à saisir, GEVASCO, PPRE...). Le métier est plus chronophage et fatigant même s'il est tout aussi passionnant. »

Quant aux enseignants les plus expérimentés, ils sont 28% à mettre en avant les contraintes pesant sur leur métier (quatre points de plus que la moyenne) : « méthodes différentes : utilisation des outils numériques ; types d'évaluation différentes ; plus d'évaluations en interne ; plus de "dispersion" ; davantage de tâches annexes hors enseignement et préparation », liste Virginie, professeur en lycée public.

Comme un résumé des difficultés ressenties par les enseignants, Mélanie ajoute : « La pédagogie différenciée est devenue une pédagogie individualisée. Les parents sont devenus consommateurs de l'école. Les programmes ont été dilués : chaque ministre rajoutant une pincée de quelque chose au détriment des fameux fondamentaux : PEAC, APQ, parcours citoyen, anglais... Le niveau ne baisse pas forcément mais le nombre d'heures dont les élèves bénéficient a mathématiquement changé. Ce métier est devenu très frustrant car les nombreuses heures de travail hors de la classe sont dans la majorité dévolues à des retours administratifs, des participations à des formations inutiles, des rendez-vous parents... »

Les enseignants ont été parmi les premiers corps de métier à percevoir les problèmes de santé mentale des jeunes Français en augmentation depuis la covid-19, ainsi que le note Mélanie, en lycée public : « Les conditions matérielles se sont dégradées et le niveau des élèves a baissé de façon spectaculaire depuis la pandémie. Les élèves font beaucoup plus de phobies scolaires et de crises d'angoisse. Depuis la réforme, ils sont totalement perdus en termes d'orientation. Beaucoup ne savent pas du tout ce qu'ils font là et ne semblent pas faire confiance à l'institution. »

Le principal frein au métier

Quand on leur demande quel est le principal frein à l’exercice de leur métier, les enseignants apportent une réponse claire : pour 49% d’entre eux - primaire, collège et lycée confondus -, ce sont les conditions de travail. Dans le détail des réponses, on retrouve « la surcharge de travail, le nombre d’élèves par classe», « trop d’injonctions et de sollicitations extérieures au métier », « la violence renvoyée par les élèves », « gérer les parents ». Charles, enseignant en collège depuis moins de cinq ans, estime qu’il y a « autant de ministres de l’éducation que de parents ».  

Les réponses sont homogènes quels que soient l’ancienneté ou le niveau d’enseignement. Seule différence, 21% des enseignants ayant moins de 5 ans d’expérience mettent la rémunération comme obstacle majeur (contre 14% pour la moyenne des enseignants).

Une idée partagée par Audrey, en école primaire. « La surcharge administrative commence à m'épuiser... Il y a de plus en plus d'élèves à besoins éducatifs particuliers pour lesquels on n'est pas formés. On se sent souvent démunis. Le salaire est peu élevé et ne motive pas vraiment. »

Avec plus de 20 ans d’expérience, Véronique, enseignante au collège précise que son problème est « le manque d’heures. Tout est bâclé et on n'arrive plus à faire des activités innovantes et intéressantes permettant de faire passer d'une autre façon les notions, la culture est aussi difficile à enseigner quand on manque de temps pour aller au cinéma, au théâtre... Pour enseigner sous forme de jeux, escape games… »

Pêle-mêle, Nathalie, enseignante de longue date, énumère un quotidien sous sollicitations : « L’inclusion des enfants handicapés sans moyens, l’école obligatoire à 3 ans, les heures passées à travailler en dehors de notre présence avec les élèves qui ne sont pas reconnues et payées, notre salaire qui n’évolue pas malgré les belles annonces et surtout le mépris de notre ministère. »

Un regard négatif de la société

Ce mépris, en tout cas un regard négatif de la société, ils sont nombreux à le percevoir : 81% des enseignants ressentent une critique perlée de leurs interlocuteurs. En continu des 3 528 réponses au questionnaire, les mêmes termes reviennent comme une litanie de préjugés envers la profession : « vacances, peu d’heures, fainéant, regard méprisant, dévalorisant, manque de reconnaissance, de moins en moins confiance… » Les enseignants sont plusieurs à écrire : « On nous fait porter les échecs de la société. »

Avec moins de cinq ans de métier au compteur, Anne, en collège, ressent « un regard biaisé : personne ne se rend compte de tout le travail que cela demande, ni de l'impact que les enseignants ont sur les élèves. » Mélanie, en école primaire, lâche : « Les enseignants ne sont pas aimés et ne travaillent "que" 24h par semaine. Je pensais un peu cela avant de devenir enseignante. Aujourd'hui, je fais plus d'heures que lorsque j'étais responsable qualité dans l'industrie. »

Autre reconvertie, Isabelle, en lycée privé, ajoute : « J'ai mis trois ans à simplement dire que je suis professeure ! Avant je disais "je suis prof mais avant j'étais comptable" comme si j'étais mal vue d'être prof ! Heureusement maintenant j'assume ! »

14% des enseignants perçoivent un regard mitigé de la société à leur égard : partagé et ambivalent. Estelle, au collège : « La société pense à la fois que c'est un beau et noble métier, mais en même temps paradoxalement que les enseignants ne travaillent pas beaucoup et sont tout le temps en vacances. Ce qui est faux pour la deuxième partie... »

Eloïse, moins de 5 ans d’ancienneté en collège : « Ce métier est, me semble-t-il, considéré comme utile, voir essentiel, mais il est aussi très dévalorisé (beaucoup de gens pensent que c'est un métier facile, que tout le monde peut faire, sans formation au préalable). »

Fanny, plus de 20 ans, en lycée privé abonde en soulignant « un regard plutôt bienveillant (car on s'occupe des jeunes) mais très condescendant (notre salaire ne permet pas de briller en société). Au niveau de la quantité de travail, ceux qui ont un prof dans leur entourage se demandent pourquoi on travaille autant pour si peu, les autres ne voient que les vacances ! »

Pour terminer sur une note positive, 5% d’enseignants estiment qu’un regard positif est porté sur leur métier. Les termes de « respect » et de considération » sont prononcés. L’expression « L’attitude des parents est plus bienveillante depuis le covid » revient dans une dizaine de réponses. « Je me sens considérée professionnellement, un métier utile », indique Virginie, en primaire. Day, enseignante en lycée public, ressent pour sa part, un regard plutôt positif, « car l’enseignant reste celui qui délivre la connaissance et participe à la réussite de ses élèves. »

1 commentaire(s)
Riourik69
- mer, 30/08/2023 - 19:53
A l'Ouest rien de nouveau !
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