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Entretien

Gilles Geneviève : Tous les enfants naissent philosophes

Gilles Geneviève : Tous les enfants naissent philosophes
Selon Gilles Geneviève*, les effets de l’atelier de philosophie excèdent l’espace de la classe. L’enfant y puisera, sa vie durant, l’exigence de précision de la langue, le courage de l’idée et la connaissance de soi.

Dans la préface de votre ouvrage(1), Michel Onfray parle des outils du philosophe naturellement présents en chaque enfant. Les ateliers de philosophie permettent-ils de maintenir cet élan ?
Gilles Geneviève : Nous sommes tous deux d’accord sur ce point : dans La communauté philosophique(2), M. Onfray dit : “Tous les enfants naissent philosophes, seuls certains le demeurent.” J’adhère totalement à cela. Dès que l’on mène une réflexion sur les ateliers de philosophie, cela entraîne, implicitement ou non (pour moi c’est explicite), une posture philosophique. La philosophie s’origine dans l’expérience singulière de chacun, elle est une façon de mettre en cohérence pensée et actes. Dès que les enfants parlent, se posent à eux les grandes questions métaphysiques. Si quelqu’un meurt dans leur entourage, leur inquiétude est grande. Qu’est-ce que philosopher, sinon apprendre à mourir ? Un dialogue, une discussion sur ces questions, permettent de les apprivoiser et de moins en souffrir.

Le débat, la discussion, ne sontils pas aujourd’hui réorientés, et donc instrumentalisés, vers une amélioration des capacités langagières ?
G. G. : Il est sûr que ramener ce qui se passe à l’école à une question de compétences, d’apprentissage, y
compris de maîtrise du langage, est réducteur. Beaucoup de chercheurs ou de praticiens de la philosophie avec les enfants, cherchant une certaine légitimité, veulent mettre leur pratique en cohérence avec les exigences ministérielles. Du coup, une partie de l’intérêt du dispositif disparaît. L’idée d’instrumentalisation des ateliers de philosophie me gêne : la pratique n’a pas à être pensée comme pacification de la société scolaire, ou à des fins d’amélioration du niveau de la langue, même si ce sont des bénéfices réels.

Mais l’acquisition – et le goût – de la précision des questions et des raisonnements concilient maîtrise de la langue et réflexion philosophique.
G. G. : Il est très important que les enfants aient une phase d’élaboration de la question, avec des mots
précis, une formulation précise, évitant la formulation personnelle. Par exemple, passer du “Pourquoi as-tu fait mal à x ?” à “Pourquoi y a-t-il de la violence ?”. Cette évolution vers des formules généralisatrices est intéressante à la fois du point de vue philosophique, de la précision du vocabulaire et de la syntaxe. C’est là, dans l’élaboration du discours, que s’affine le rapport à la langue, et il n’y a pas tant d’autres moments où cela se travaille. À l’école, ce sont les adultes qui parlent, posent des questions. Ces activités, plus syntaxiques que lexicales, sont rarement menées. Je ne vois pas...

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