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Entretien

André Chervel : Vers une fracture orthographique ?

André Chervel : Vers une fracture orthographique ?
© D.R.
Le linguiste André Chervel s’inquiète de la baisse continue du niveau d’orthographe depuis plus d’un demi-siècle qui pourrait conduire, faute de sursaut, à une fracture orthographique.

L’École aujourd’hui : Le niveau en orthographe baisse-t-il ?

André Chervel : Nous pouvons nous faire aujourd’hui, grâce aux recherches qui ont été menées depuis 25 ou 30 ans, une image à peu près exacte de ce qu’a été au cours des deux derniers siècles la maîtrise de l’orthographe par les Français. Les recherches qui ont été menées, en particulier par Danièle Manesse, par Claude Thélot et moi-même, montrent que la courbe de la maîtrise de l’orthographe ne cesse de monter depuis les origines (disons au XVIe siècle) jusqu’à un point culminant dans la première moitié du XXe siècle puis commence à baisser ; et la baisse de niveau s’accélère ces vingt ou trente dernières années.

Pourquoi faut-il réformer l’orthographe ?
A. C. :
Accepter sans réagir la situation actuelle, c’est transformer peu à peu l’orthographe en discipline de luxe. Comme l’école et le collège ne l’enseignent plus suffisamment et que la grande majorité des bacs + 2, 3 ou 4 ont besoin d’écrire correctement, on voit se multiplier au début des études supérieures les recyclages, les officines de rattrapage, les cours privés de remise à niveau. L’orthographe est en train de devenir une discipline de caste, et c’est une véritable “fracture orthographique” qui s’installe dans le corps social. Il s’agit maintenant de réinté-grer dans la communauté française tous ces gosses, tous ces jeunes gens qui ne sont pas capables d’écrire un CV ou de s’exprimer par écrit.

Alors que faut-il faire ?
A. C. : Je considère que l’histoire de l’orthographe nous ouvre aujourd’hui une perspective. Il y a eu une simplification considérable de l’orthographe française entre le début du XVIIe siècle et 1835, date de la 6e édition du Dictionnaire de l’Académie qui continue à faire autorité en matière d’orthographe. Et s’il y a eu cette simplification, c’est qu’à l’époque il y a eu des pressions de la part des enseignants de la lecture qui ont obligé l’orthographe à bouger. Cela a été un succès considérable, on a pu enseigner à lire en français à partir du français et non plus à partir du latin. Si l’on veut que les jeunes Français apprennent aujourd’hui l’orthographe, il faut la simplifier comme nos ancêtres l’ont fait pour faciliter l’apprentissage de la lecture. Il faut qu’on imagine un ensemble de réformes de l’orthographe française qui permettraient à tous de l’acquérir au cours de la scolarité primaire (élargie aux premières classes du collège). Et surtout ne pas écouter tous ces gens qui tranchent un peu rapidement en réclamant qu’on revienne aux vieilles méthodes. Enseigner l’orthographe traditionnelle dans les mêmes conditions qu’àl’époque de Jules Fer...

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