Quelle stratégie ministérielle ?
Le ministre, tout comme la Mission Villani-Torossian, ont loué certaines méthodes d’enseignement des mathématiques. On peut raisonnablement penser qu’ils n’ont pas changé d’opinion. Or ces méthodes ne s’inscrivent absolument pas dans les programmes ajustés. Le ministère aurait pu changer les programmes afin d’assurer cette cohérence, mais changer les programmes de l’Éducation nationale, engagerait un processus lourd, long et couteux en réactions de toutes parts. Les levées de boucliers ne manqueraient pas. Le ministère, soucieux d’éviter les conflits pourrait procéder autrement et parvenir à ses fins en plaçant les enseignants dans un étau.
Le premier mors serait celui qui consisterait à tenter d’influencer les corps d’inspection en leur demandant de faire appliquer les programmes en suivant une pédagogie explicite (qui se distingue totalement d’un enseignement explicite), pédagogie vantée par la Mission Villani-Torossian, mais en opposition totale avec les programmes.
Le deuxième mors consisterait à tenter d’influencer les collègues professeurs des écoles en publiant des notes de service ou des documents destinés à "Informer et accompagner les professionnels de l’éducation" de même nature que le premier paru et intitulé "Quelles compétences et quelles connaissances doit-on attendre d’un enfant à la fin de son CP ? (100% de réussite en CP)". Il faut noter que ce texte reprend une désignation caduque : l’acronyme CP, indiquant très clairement la volonté ministérielle de revenir à un enseignement par niveaux, contrairement aux programmes en cours d’ajustement.
Le document paru ("100% de réussite en CP") est particulièrement éloquent, et loin de prendre en compte la très grande diversité des élèves entrant en cycle 2, il impose un rythme d’acquisition des fondamentaux du cycle 2 absolument hors de portée de la majorité des élèves. Un tel document s’inscrit en totale opposition avec les programmes en cours d’ajustement. D’une part, parce qu’il fixe des objectifs à un niveau donné et, d’autre part, parce qu’il fait fi de la conception des mathématiques et de leur enseignement définis par les programmes qui sont, et eux seuls, inscrits dans la loi.
Si, de plus, de telles préconisations (qui n’ont la force de loi des programmes) étaient associées à des évaluations issues de la technocratie ministérielle, si de surcroit ces évaluations servaient à mesurer "le mérite" de certains enseignants et donc à peser sur les rémunérations de certains, c’en serait fini des programmes ajustés de manière pertinente par le groupe d’experts. La pratique enseignante, doublement, voire triplement contrainte (notes diverses, évaluations et rétribution au mérite - cf. déclaration du ministre en date du 2 juillet) aurait alors le même effet qu’un retou...
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