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Entretien

Jean Doyen : La beauté des nombres

Jean Doyen : La beauté des nombres
© Elena Schweitzer / Fotolia
Passionné depuis les bancs d'école par les nombres, Jean Doyen nous livre un autre regard sur ces nombres qui ne cessent de le surprendre.

Qu’est ce qu’un nombre ?
Jean Doyen : On utilise le mot nombre pour parler d’objets mathématiques très différents. Dans l’enseignement primaire, on ne définit pas le concept de nombre entier naturel et on travaille cependant avec, sans que cela ne pose de problèmes. Mais les nombres entiers naturels ne sont pas les seuls, dès lors, se pose effectivement la question de définir le nombre de manière générale. Qu’est-ce que tous ces objets que l’on appelle nombre ont en commun ? Je pense qu’on peut dire que c’est la manière dont des éléments peuvent s’organiser entre eux, se structurer d’un point de vue opératoire qui permet de dire qu’il s’agit de nombres.

D’où vient votre passion pour les nombres ?
J. D. : J’ai adoré les nombres dès l’école primaire parce que mon père adorait me faire faire du calcul mental, surtout quand on était en voiture ; et c’est en découvrant petit à petit diverses astuces de calcul que j’ai trouvé que les nombres étaient beaux. Il faut dire aussi que j’ai eu un excellent instituteur en première année de primaire. Il était génial et nous donnait plein d’astuces de calcul mental, ce qui nous permettait d’aller beaucoup plus vite que d’autres, renforçant le plaisir pour les nombres. Pendant 25 ans, j’ai ensuite donné à l’Université un cours de théorie des nombres, et là je me suis rendu compte que c’était de plus en plus joli. Ce qui donne leur beauté aux nombres est ce qui est inattendu, des propriétés que l’on n’attend pas, des propriétés remarquables, une certaine beauté cachée, celle que l’on découvre après un effort de recherche. Mais, comme certaines personnes peuvent être rétives à la cinquième de Beethoven, d’autres peuvent l’être aux nombres. Cela ne se commande pas.

Qu’est-ce qui est particulièrement beau à vos yeux ?
J. D. : Même dans les entiers naturels, il reste de nombreuses conjectures dont l’énoncé est facile, à portée de tous, et qui pourtant restent non démontrées, comme la conjecture de Goldbach qui énonce tout simplement que tout nombre entier pair plus grand que 3 est la somme de deux nombres premiers. Chacun peut tester cette conjecture sur autant de nombres qu’il le souhaite, mais la démonstration reste en suspens. De même, la conjecture qui affirme qu’il existe une infinité de nombres premiers jumeaux s’énonce pourtant simplement, est compréhensible de tous, mais n’est toujours pas démontrée. Je rappelle qu’on dit que deux nombres premiers sont jumeaux si et seulement si, comme 5 et 7 ou 11 et 13, leur différence est 2. Des énoncés aussi simples que ceux-ci sont nombreux et contribuent au plaisir des nombres.

Comment peut-on communiquer sur la grande...

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