Gilles Clément : Un lieu de tous les sens
Comment définiriez-vous le jardin, pour des élèves de l’école maternelle ?
Gilles Clémént : Un jardin est un endroit où on fait pousser des plantes. Peuvent aussi y venir des oiseaux, ainsi que beaucoup d’autres animaux, comme les insectes, les vers, les rongeurs, etc. Il faut les accepter car ils y jouent tous un rôle. Souvent, il faut les protéger. Dans un jardin, il y a aussi un jardinier, quelqu’un qui s’occupe des plantes. Un jardin, c’est enfin un enclos, un espace fermé, mais qui n’est pas interdit. Il est simplement protégé. Souvent le jardin est un potager où poussent des plantes que l’on va ensuite manger. Le jardin est toujours organisé. En général, il y a des chemins droits parce qu’on estime que c’est plus pratique, mais on peut aussi faire tout autrement. En tout cas, cette organisation est déjà un dessin. Le dessin n’est pas le travail du jardinier. C’est celui du paysagiste. Mais le jardinier peut être en même temps paysagiste.
Le paysagiste travaille-t-il seulement sur le visuel ?
G. B. : Non, car le paysage est une totalité qui alerte tous les sens. C’est un des éléments qui fait de la question du paysage une question subjective, et par conséquent une question individuelle. Le paysage est également culturel. Il est donc difficile de l’installer dans une seule définition en fonction d’une sensibilité, d’un pays ou d’une culture. Les impressions, les vécus, les lectures de paysages vont être différentes selon les individus, ce qui est très important dans le cadre de la classe. Le jardin est un enclos créé pour protéger ce qui est le meilleur, ce qu’on a de plus précieux. Or ce “meilleur” change avec les cultures et avec l’histoire. Qu’est-ce donc que le “meilleur” aujourd’hui ? Une perspective fuyant jusqu’à l’horizon ? Cette réponse est celle d’une autre époque que la nôtre. Il faut laisser les élèves rêver à ce qui pourrait être le meilleur aujourd’hui. Et ce rêve – terme très important pour le paysagiste – donnera la forme de jardin qu’ils vont dessiner.
À quoi sert un jardin ?
G. B. : Un jardin sert à se nourrir au départ. Mais au-delà de cette considération utilitariste, je dirais en fait que c’est avec un jardin qu’on s’équilibre. Aujourd’hui, la valeur thérapeutique du jardin est reconnue. On n’est pas obligé de passer par un langage médical pour dire à quel point il est important. Un jardin, ce n’est pas un spectacle. C’est un endroit où l’on intervient. On est acteur, on jardine. On y est créatif pour que le jardin le soit à son tour. Cette interactivité fait que le jardinier donne au jardin, et en retour le jardin donne au jardinier. C’est extrêmement équilibrant.
Celui qui fabriqu...