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Analyse

Je pense, donc je sens

Je pense, donc je sens
© Alexa Brunet/Transit/Picturetank
Au début des années 1970, Matthew Lipman crée la "Philosophie pour enfants" (PPE) dans le but d’encourager chez les enfants la réflexion sur les enjeux éthiques, esthétiques, politiques et existentiels. Il appela “communautés de recherche” les groupes d’enfants ainsi formés à la pratique du débat.

Des communautés de recherche au sein de la classe se forment lorsqu’un groupe d’enfants se questionne, s’interroge, ou cherche ensemble des réponses à des problèmes d’ordre philosophique. Pour atteindre cet objectif, Lipman imagina une série de romans philosophiques et formula un ensemble de lignes directrices pertinentes pour les enseignants. À travers ces romans, des concepts et des problèmes philosophiques sont présentés de façon ouverte pour que les enfants d’âges différents puissent discuter. De façon générale, les objectifs de la PPE sont l’amélioration des habiletés de pensée, le développement de la pensée créative, la promotion de la croissance personnelle et interpersonnelle, le développement de la compréhension de la dimension éthique de la vie et celui de la compréhension du monde au travers de l’expérience personnelle.

Fondements de la PPE
La PPE est une activité dialogique et narrative durant laquelle les enfants échangent des points de vue : le langage devient l’instrument essentiel à travers lequel se forme la communauté de recherche. De nombreuses études ont montré comment les enfants parviennent à complexifier leur processus de pensée à travers la PPE. De même, certaines études montrent l’impact de la PPE sur le développement du langage chez les enfants de maternelle et de primaire. L’analyse du discours des enfants pratiquant la PPE tout au long de l’année scolaire montre des progrès significatifs, par exemple, à travers l’utilisation de certains marqueurs linguistiques tels que les pronoms personnels. Aussi, ce type d’analyse montre-t-il comment s’améliorent les compétences narratives des enfants et comment l’expression d’opinions personnelles devient linguistiquement plus complexe. Par exemple, Daniel et Delsol ont analysé les types d’échanges ayant eu lieu dans une classe d’enfants âgés de 5 ans au cours de séances hebdomadaires de PPE sur quatre mois. Les résultats montrent un changement intéressant quant aux compétences narratives tout au long des séances. Dans les premières séances, les échanges “anecdotiques” dominent. Caractérisés par un discours mal structuré, sans justification, ces échanges se concentrent sur les expériences personnelles des enfants et n’intègrent pas la perspective des autres. Grâce à l’analyse du discours, nous observons comment les enfants sont peu à peu en mesure d’intégrer cette perspective dans leur propre narration et comment ils construisent leurs connaissances à travers le questionnement critique des opinions exprimées par leurs pairs. En bref, le langage est le véhicule principal à travers lequel les enfants s’engagent dans un dialogue actif en PPE et sa pratique a des effets très positifs sur le développement cognitif et linguistique. Cependant, à notre connaissa...

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